Un deuil encore vif dans la mémoire collective
Lorsqu’un pays perd l’une de ses figures d’équilibre, il ne s’agit jamais d’une simple disparition biologique. André Milongo, affectueusement surnommé « Ya Milos », s’est éteint le 23 juillet 2017, mais le souvenir de son intégrité demeure prégnant dans les foyers congolais. Les cérémonies commémoratives de 2024, sobrement organisées à Brazzaville, ont montré combien son nom reste synonyme de tempérance et de loyauté institutionnelle. Témoins et proches évoquent encore la silhouette discrète du Premier ministre arpentant les rues de Poto-Poto pour dialoguer avec les habitants, loin des projecteurs, persuadé que la confiance populaire se construit d’abord au contact quotidien.
Une figure d’intégrité au cœur de la Transition
Aux premières heures de la Conférence nationale souveraine de 1991, Milongo incarne l’espoir d’une réhabilitation morale de l’État. Chef du gouvernement de Transition, il doit composer avec des courants politiques antagonistes, sans jamais renoncer à son credo : « l’intérêt supérieur de la Nation avant toute autre considération ». Des archives télévisuelles montrent un homme au verbe précis, rappelant que l’État de droit proscrit l’arbitraire et la personnalisation du pouvoir. Loin d’ériger une milice partisane, il privilégie la neutralité de l’appareil sécuritaire, geste rare dans une Afrique centrale alors marquée par l’émergence d’armées parallèles (Radio Congo, entretien de 1992).
Humilité et service public, un style inimitable
Milongo ne concevait pas la vie politique comme une carrière d’enrichissement, mais comme un sacerdoce au service du citoyen. L’anecdote, souvent citée par ses anciens collaborateurs, d’un Premier ministre refusant un véhicule flambant neuf afin de consacrer la ligne budgétaire à la réfection d’une école primaire, illustre la cohérence d’un homme pour qui l’éthique n’était pas une posture. Ses adversaires reconnaissaient volontiers la sobriété de son train de vie. Cette modestie, revendiquée comme une force, s’inscrivait dans la droite ligne des grandes traditions de la culture bantoue où le chef est d’abord gardien du bien commun.
L’héritage civique face aux défis contemporains
Le Congo-Brazzaville d’aujourd’hui poursuit des chantiers structurants : diversification économique, consolidation de la paix et promotion de la jeunesse. Si le contexte a évolué, l’esprit de Milongo reste pertinent. Les programmes actuels de formation à la citoyenneté dans les universités, soutenus par le ministère de l’Enseignement supérieur, font souvent référence à son exemple pour illustrer la primauté de la responsabilité individuelle dans la gestion de la chose publique. Des chercheurs tels que le politologue Honoré Mankassa estiment que « le souvenir de Milongo agit comme un gendarme intérieur chez nombre de cadres qui aspirent à une gouvernance vertueuse » (Colloque de l’Université Marien-Ngouabi, 2023).
De la mémoire individuelle à la conscience nationale
Parce qu’il fut un homme de lettres autant qu’un homme d’État, Milongo a laissé un corpus de discours et de notes personnelles consultables aux Archives nationales. La publication prochaine de son journal inédit alimente l’attente des historiens, persuadés que ces pages feront émerger les coulisses d’une époque charnière. Ce passage de la mémoire familiale à la mémoire publique participe à la construction d’un récit national apaisé, indispensable au renforcement de la cohésion prônée par les autorités actuelles.
Vers une culture politique de la modération
À l’heure où les réseaux sociaux exaltent parfois l’emphase et la polarisation, la trajectoire de Milongo rappelle l’efficacité d’une politique de la nuance. Pour de nombreux jeunes adultes, son visage placide, figé sur les timbres commémoratifs de 2022, constitue le visage rassurant d’un Congo confiant dans sa capacité à dialoguer. Loin de toute nostalgie stérile, se souvenir de Ya Milos équivaut à réhabiliter la vertu de l’écoute dans la gestion des enjeux contemporains. En ce sens, son héritage complète les efforts institutionnels actuels visant à promouvoir la paix civile et le sens de l’État. Ainsi, la figure d’André Milongo demeure moins un repère du passé qu’un horizon de possibilités, invitant chaque citoyen à conjuguer humilité et ambition collective.
