Une escale diplomatique au pied de la Table Mountain
Cape Town, entre la falaise granitique de la Table Mountain et les eaux atlantiques, a servi de coulisses majestueuses aux échanges de haut niveau intervenus le 22 juillet 2025 entre Jean-Claude Gakosso, ministre congolais des Affaires étrangères, et le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Mandaté par le président Denis Sassou Nguesso, le chef de la diplomatie congolaise est arrivé porteur d’un message dont la portée dépasse la simple civilité : obtenir un appui explicite à la candidature d’Édouard Firmin Matoko pour la direction générale de l’Unesco.
Cette rencontre, précédée la veille d’une halte stratégique à Luanda, illustre la densité des relations transafricaines tissées de longue date entre Brazzaville et Pretoria. La capitale parlementaire sud-africaine, lieu emblématique de la lutte démocratique, prête désormais son aura à une initiative panafricaine qui vise, selon le terme de Jean-Claude Gakosso, à « faire résonner la voix d’un continent riche de ses cultures et de ses jeunesses au sommet de la gouvernance mondiale de l’éducation, de la science et de la culture ».
Le parcours d’Édouard Firmin Matoko au cœur du dossier
Âgé de soixante-deux ans, Édouard Firmin Matoko n’est pas un inconnu dans les couloirs de l’organisation onusienne. Son itinéraire professionnel, entamé comme expert en coopération culturelle régionale avant de le conduire au rang de sous-directeur général chargé des priorités globales, constitue l’un des arguments majeurs mis en avant par Brazzaville. Au fil de trois décennies de service, l’intéressé a piloté des programmes emblématiques destinés à réduire la fracture numérique éducative et à renforcer la sauvegarde du patrimoine immatériel.
Ses proches collaborateurs soulignent une connaissance « intime » du fonctionnement interne de l’agence, atout qui, conjugué à une vision inclusive, placerait l’Afrique au centre de l’innovation normative de l’Unesco. Pour la diplomatie congolaise, cette expertise représente la garantie d’une gouvernance réactive face aux défis globaux du multilinguisme, de l’intelligence artificielle responsable et de la diversité culturelle.
L’Afrique du Sud, relai stratégique au Conseil exécutif
Avec dix-trois voix sur cinquante-huit lors de la précédente recomposition, le groupe africain au Conseil exécutif demeure un bloc convoité. L’Afrique du Sud, souvent perçue comme locomotive économique et politique du continent, y dispose d’une influence qui s’exprime tant dans les commissions spécialisées que dans la dynamique des coalitions informelles. Dans ce contexte, l’audience accordée par Cyril Ramaphosa revêt une importance particulière : elle signale, en filigrane, la possibilité d’un consensus subsaharien apte à dépasser les rivalités régionales traditionnelles lorsqu’il s’agit d’investir un Africain d’une responsabilité mondiale.
Aux dires d’un diplomate présent à la rencontre, « le président sud-africain a salué la démarche proactive du Congo et a réitéré l’engagement de Pretoria en faveur d’une candidature africaine forte ». Si le langage diplomatique demeure feutré, la convergence d’intérêts est manifeste : Pretoria mise sur une visibilité accrue de l’Afrique dans les enceintes multilatérales, tandis que Brazzaville consolide sa stature de pivot francophone dans la diplomatie culturelle.
Un lobbying continental vers Samarcande
La bataille des urnes se jouera officiellement en octobre et novembre prochains, lors de la 43ᵉ conférence générale réunie à Samarcande. D’ici là, un calendrier serré d’escales diplomatiques se dessine : Nairobi, Abuja puis Le Caire. Chaque étape devra convaincre, rassurer et parfois arbitrer. La mobilisation des votes requiert une alchimie subtile entre arguments de compétence, affinités géopolitiques et promesses de coopération accrue dans les domaines chers à l’Unesco.
Jean-Claude Gakosso en est conscient : « Le temps diplomatique s’accélère, mais il ne se brusque pas ». Sa stratégie combine rencontres bilatérales, échanges ministériels en marge des sommets africains et contact permanent avec les représentations permanentes à Paris. Là encore, la démarche congolaise se veut inclusive. Elle invite les États à voir dans la candidature de M. Matoko non l’expression d’un intérêt national, mais celle d’une ambition collective, visant à redéployer le soft power continental.
Regards croisés de la jeunesse africaine sur l’Unesco
Au-delà des couloirs diplomatiques, l’enjeu résonne vivement auprès d’une génération connectée qui scrute la capacité de l’Unesco à traiter de sujets structurants : accès à une éducation équitable, patrimonialisation du hip-hop, protection des savoirs ancestraux menacés par les dérèglements climatiques. Dans plusieurs universités de Brazzaville comme de Pretoria, des forums citoyens se sont organisés pour débattre des orientations que pourrait prendre l’institution sous une direction empreinte de sensibilité africaine.
La sociologue sud-africaine Lerato Mbatha résume le sentiment partagé : « Nous attendons un leadership capable d’articuler la créativité urbaine de Johannesburg à la sagesse forestière des peuples bantous, sans perdre de vue la nécessaire universalité de l’Unesco ». En arrière-plan, se dessine la conviction que la montée en puissance de la jeunesse africaine dans les industries culturelles numériques gagnerait en lisibilité si elle se trouvait portée par un directeur général issu du continent.
Entre symboles et réalités d’une ambition partagée
La visite de Jean-Claude Gakosso à Cape Town aura rappelé que la diplomatie contemporaine se nourrit autant de symboles forts que de calculs froids. Sur fond de paysages mythiques, deux capitales politiques ont accordé leurs violons pour que la candidature d’Édouard Firmin Matoko incarne une communauté de destin africaine. Reste à transformer cette entente de principe en majorité qualifiée sur les rives de la Samarcande historique.
Quelle que soit l’issue du vote, le déplacement sud-africain du chef de la diplomatie congolaise aura démontré la capacité de Brazzaville à fédérer au-delà de son aire francophone. Signe que, dans un monde aussi compétitif que celui des organisations internationales, la République du Congo continue de miser sur le dialogue et la concertation pour promouvoir ses talents et, par ricochet, renforcer le rayonnement culturel d’un continent en quête de représentation à la hauteur de son potentiel.