Une candidature qui fédère
À quelques mois de l’ouverture du prochain cycle électoral de l’UNESCO, Brazzaville a officiellement intronisé Firmin Édouard Matoko, ancien Sous-directeur général de l’organisation, comme porte-étendard d’une ambition continentale. Fort d’un parcours jalonné à Paris, Dakar et Kingston, l’intéressé incarne, selon ses soutiens, « la synthèse sereine entre expertise et engagement pour la diversité culturelle » (Agence congolaise d’information, 24 juillet 2023). L’enjeu dépasse la quête d’un fauteuil stratégique : il s’agit, pour la République du Congo, de repositionner sa diplomatie culturelle dans un environnement géopolitique mouvant, où l’Afrique cherche une représentation accrue au sein des institutions multilatérales.
La partition des Affaires étrangères
Depuis le 21 juillet, Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères, sillonne l’Afrique australe afin de sécuriser un bloc de suffrages déterminant. Luanda, Windhoek, Gaborone, puis Maputo : chaque capitale a reçu un pli officiel du président Denis Sassou Nguesso appelant à « une mobilisation africaine solidaire autour d’une compétence unanimement reconnue ». Si les échanges demeurent feutrés, plusieurs observateurs à Pretoria notent que la démarche congolaise, empreinte de constance et de courtoisie, contraste avec l’effervescence parfois agressive qui entoure les scrutins onusiens (The Southern Times, 25 juillet 2023).
Maurice, pivot symbolique
L’escale de Port-Louis revêtait une portée singulière. Micro-État polyglotte, l’île Maurice se veut laboratoire de coexistence culturelle, miroir potentiel des idéaux de l’UNESCO. Reçu au State House par le président Dhananjay Ramful, le chef de la diplomatie congolaise a souligné « l’harmonie linguistique et religieuse mauricienne » comme prototype des programmes de dialogue interculturel que Matoko ambitionne de renforcer. Selon des sources proches du dossier, la partie mauricienne aurait salué « le sens de l’écoute et la connaissance fine des mécanismes internes » dont l’ancien haut fonctionnaire fit déjà preuve rue Miollis durant plus de deux décennies.
Le relais du Premier ministre
À peine le carnet de vol refermé, le flambeau passe au Premier ministre Anatole Collinet Makosso. Dès le 27 juillet, ce dernier conduira une nouvelle mission en Afrique de l’Ouest, avec escales à Libreville, Abidjan, Abuja, Ouagadougou, Monrovia et Djibouti. Cette répartition des rôles illustre l’importance que Brazzaville accorde à la synchronisation de ses leviers politiques. « La diplomatie congolaise gagne en capillarité », confie un diplomate ivoirien, pointant le souci d’articuler soft power culturel et amitié politique sans effacer les sensibilités nationales de chaque capitale.
Enjeux pour l’Afrique francophone
Si la langue française demeure l’une des matrices opérationnelles de l’UNESCO, la présence d’un Africain francophone à sa tête représente aussi, pour nombre de chancelleries, l’assurance d’un plaidoyer renouvelé en faveur du multilinguisme et du patrimoine immatériel. Le Congo, qui accueille depuis 2019 la Maison du Patrimoine culturel immatériel d’Afrique centrale, voit dans la candidature Matoko un prolongement naturel de ses engagements. « Le continent a besoin d’une voix capable de construire des passerelles entre réalités numériques, éducation et transmission des identités », estime la chercheuse camerounaise Clarisse Ndedi, spécialiste des politiques culturelles.
La dynamique culturelle congolaise
Au-delà du seul scrutin, Brazzaville capitalise sur ses récentes initiatives : modernisation du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, renforcement des filières créatives dans la zone économique spéciale de Pointe-Noire, ou encore lancement d’un fonds de soutien au cinéma panafricain. Autant de jalons qui, mis bout à bout, esquissent une stratégie de rayonnement où l’économie de la culture dialogue avec l’agenda diplomatique. « L’élection d’un Congolais à l’UNESCO ne serait pas un aboutissement mais un accélérateur », confie un haut fonctionnaire du ministère de la Culture, pour qui la visibilité internationale génère un cercle vertueux d’investissements et de formation.
Regard vers Paris 2025
Le vote final du Conseil exécutif n’aura lieu qu’en 2025 à Paris. Entre-temps, la campagne congolaise devra composer avec la discrétion coutumière de certains États, les réalités budgétaires post-pandémiques et d’éventuelles candidatures tardives. Mais pour l’heure, les signaux envoyés depuis l’île Maurice témoignent d’un élan que le chef de l’État congolais entend pérenniser. En filigrane, l’objectif reste clair : faire de la culture, de la science et de l’éducation des leviers de stabilité, afin que la voix africaine résonne dans les enceintes où se façonnent les savoirs du monde.