Brazzaville accueille un nouveau battement
La moiteur d’août n’avait pas encore quitté la capitale congolaise lorsque la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, a reçu l’ambassadrice du Venezuela, Laura Evangelia Suarez. Au cœur de l’entretien, la remise solennelle d’une famille de trois tambours, façonnés selon la tradition des communautés afro-vénézuéliennes et désormais confiés au Musée panafricain de la musique, vitrine institutionnelle du Festival panafricain de musique (Fespam).
Dans un sourire qui traduisait la satisfaction des deux parties, la diplomate sud-américaine a reconnu « un rendez-vous très magnifique », rappelant que ces percussions sont nées de la mémoire d’ancêtres africains déportés puis recréées de l’autre côté de l’Atlantique. L’écho inverse, qui voit l’instrument revenir sur le continent d’origine, confère à la cérémonie la densité d’un retour symbolique des filiations artistiques brouillées par l’Histoire.
Diplomatie culturelle sud-sud en action
En offrant ces tam-tams, le Venezuela n’entend pas seulement multiplier les trophées ethnographiques. Le geste s’inscrit dans une stratégie de coopération culturelle qui, depuis plusieurs années, privilégie l’échange d’expériences plutôt que l’exportation unilatérale de modèles. L’arrivée du groupe Madera au Fespam illustre cette vision : ses musiciens, nourris de rythmiques afro-caribéennes, ont trouvé une immédiate complicité avec les percussionnistes congolais au point de dialoguer sur scène sans répétition préalable. « Ce ne sont pas les mêmes sons, mais ce sont les mêmes pulsations », a résumé Laura Evangelia Suarez, soulignant l’intelligibilité mutuelle des métriques qui traversent l’Atlantique.
Le ministère congolais, de son côté, voit dans cette synergie un instrument de rayonnement complémentaire à la diplomatie officielle. La valorisation des arts vivants apparaît ainsi comme un prolongement naturel de la politique de diversification économique menée depuis Brazzaville, célébrant la créativité nationale tout en renforçant l’attractivité touristique du pays.
Un patrimoine réapproprié par la jeunesse
Deux autres institutions locales ont reçu chacune un tambour : le collectif féminin Tam-Tam sans frontières et l’orphelinat Village d’enfants cardinal Émile Biayenda. Jean-Didier Mayembo, qui dirige ce dernier, confie avoir perçu « un monument de l’alliance entre le Congo et le Venezuela ». L’artiste-pédagogue Muleck accompagne les enfants dès l’âge de deux ans, prouvant que la pédagogie par le rythme peut hâter l’éveil sensoriel et social.
Chez Tam-Tam sans frontières, la percussionniste Sandra Dihoulou voit dans ce présent un levier de création : leurs instruments habituels, solidement enracinés dans la tradition kongo, dialogueront désormais avec la facture plus moderne des tambours vénézuéliens. La jeune femme anticipe déjà la naissance d’un répertoire hybride susceptible d’attirer un public urbain friand de métissages sonores.
Vers une symphonie panafricaine renouvelée
Le Musée panafricain de la musique, où résonneront bientôt ces peaux venues d’outre-mer, renforce sa mission première : documenter, conserver et diffuser l’histoire plastique des arts sonores d’Afrique et de sa diaspora. L’établissement, pilier du Fespam, pourra offrir aux chercheurs comme aux mélomanes un objet d’étude concret, révélateur des circulations culturelles négociées entre les Suds.
Au-delà de l’anecdote de la donation, c’est la capacité de Brazzaville à se poser en carrefour culturel continental qui se trouve confirmée. La ville ajoute à son patrimoine immatériel une pièce vibrante, tout en rappelant que le dialogue des tambours n’a jamais cessé de battre dans les veines de l’Atlantique noir. Dans un contexte régional où la cohésion se nourrit aussi de la musique, ces résonances nouvelles laissent présager un futur festivalier où le passé se conjugue avec audace au présent, pour le plus grand profit de la jeunesse africaine avide de récits partagés.