Feu vert arbitral à Brazzaville
Dans une décision datée du 21 juillet, rédigée en des termes sans appel, le Tribunal arbitral du sport a balayé les griefs introduits par la Fédération équato-guinéenne de football et a confirmé la qualification de la sélection A’ congolaise pour le Championnat d’Afrique des nations 2024. La formation arbitrale, siégeant à Lausanne, a non seulement validé le verdict antérieur du jury d’appel de la Confédération africaine de football, mais a également mis à la charge de la partie requérante l’intégralité des frais de procédure ainsi qu’une indemnité de 4000 francs suisses au profit de la Fédération congolaise. Cette sentence marque l’épilogue d’une controverse qui tenait en haleine les milieux sportifs d’Afrique centrale depuis plus de deux mois.
Les dessous juridiques d’un feuilleton continental
Tout est parti d’une réserve formulée par Malabo sur la prétendue inéligibilité du défenseur Japhet Mankou, accusé d’évoluer hors du championnat national et, par conséquent, de contrevenir à la philosophie même du Chan, compétition dédiée aux footballeurs locaux. La commission de discipline de la CAF avait d’abord fait droit à la plainte équato-guinéenne, provoquant la stupeur des supporters congolais. Saisie en appel, l’instance juridictionnelle interne de la CAF a, le 16 juin, réhabilité le Rwanda — pardon, le Congo — au regard de pièces nouvelles produites par la Fécofoot attestant de la licence nationale du joueur.
Estimant la réintégration « contradictoire et entachée d’erreurs manifestes », la Feguifut s’est tournée vers le dernier étage du contentieux sportif international. Le TAS, après instruction, a jugé la démarche infondée. Au-delà de la victoire procédurale, l’arrêt illustre le fonctionnement feutré mais exigeant de la justice sportive mondialisée : respect du contradictoire, étude des règlements fédéraux, poids des preuves documentaires et, en filigrane, considération pour la stabilité des compétitions.
Une victoire sportive, mais aussi institutionnelle
Sur le rectangle vert, les Diables rouges avaient déjà livré leur plaidoyer le plus convaincant : un nul solide à Malabo puis un succès 2-1 à Brazzaville. Mais dans l’ère contemporaine du sport, la performance athlétique se double d’une maîtrise des arcanes règlementaires. La Fécofoot a su mobiliser ses juristes, ses archivistes et sa diplomatie interne pour produire les éléments étayant la conformité du joueur incriminé. Interrogé à la sortie de l’audience lausannoise, un consultant proche du dossier confiait qu’« il ne suffit plus de marquer des buts, il faut savoir lire les statuts ».
Conséquences pour le football local
La confirmation de la qualification ouvre des perspectives financières non négligeables : primes de participation, exposition médiatique accrue, partenariats domestiques. Les clubs congolais, principaux pourvoyeurs d’internationaux A’, espèrent voir le Chan servir de tremplin à la professionnalisation du championnat national. Le ministère en charge des Sports, par la voix de son directeur de cabinet, salue une « décision qui valorise le sérieux de nos structures et la passion de notre jeunesse ».
Au-delà de l’économie sportive, l’arrêt du TAS consolide l’idée d’une narration positive autour du football local, facteur d’unité et de projection internationale. Les supporters, déjà réconciliés avec leur équipe depuis la saga victorieuse des éliminatoires, entrevoient la phase finale comme un espace d’expression festive et identitaire.
Au-delà du terrain : rayonnement culturel et diplomatique
Le sport, en Afrique centrale comme ailleurs, déborde toujours du strict périmètre compétitif. Dans la perspective du Chan, le Congo dispose d’une fenêtre de visibilité régionale susceptible d’alimenter un récit national dynamique. Le ministère de la Culture prévoit déjà des initiatives conjointes mêlant musique, arts visuels et célébrations populaires lors des retransmissions publiques. « Le ballon rond est un formidable catalyseur de créativité et d’hospitalité », rappelle le sociologue Guy-Marcel Okoumba, qui voit dans le Chan un moment de soft power tissé de chansons, de mode urbaine et de gastronomie.
Sur le plan diplomatique, la posture pondérée adoptée par Brazzaville tout au long de la procédure a renforcé l’image d’un pays respectueux des mécanismes de gouvernance internationale. Dans un contexte où la stabilité institutionnelle demeure un capital précieux, l’issue heureuse du litige offre une vitrine supplémentaire à l’engagement républicain pour le dialogue et l’équité.
Perspectives avant la phase finale
Reste désormais le plus exigeant : convertir la légitimité juridique en performances sur la pelouse. Le sélectionneur Emanuel Bougandza a convoqué un stage bloqué à Kintélé et insiste sur la préparation mentale : « La décision du TAS nous libère, mais elle ne vaut pas certification de succès sportif. À nous de bâtir notre légende ». Les matches amicaux programmés contre le Cameroun et la RDC serviront de thermomètre avant de rallier le pays-hôte.
Pour beaucoup d’analystes, le Chan 2024 pourrait inaugurer une nouvelle étape dans la structuration du football congolais, à condition que les retombées financières soient réinvesties dans les infrastructures et la formation. Sur ce point, le partenariat public-privé initié autour du Stade Municipal de Pointe-Noire laisse entrevoir des synergies prometteuses. La sentence de Lausanne scelle donc plus qu’une qualification : elle balise le chemin d’une ambition sportive et culturelle, inscrite dans une vision de long terme.