La fulgurante ascension d’un virtuose des lettres
À dix-sept ans à peine, Briny Oscar Kouba Matouridi vient de grimper deux marches d’un seul geste : il a obtenu son baccalauréat scientifique avec mention et, presque dans le même souffle, coiffé la couronne de champion du monde de Scrabble dans la catégorie Élite. Cet exploit, rare dans les annales d’un sport cérébral souvent dominé par des joueurs expérimentés, raconte la vivacité d’une génération congolaise que beaucoup disaient en retrait face aux prouesses numériques. Formé au sein du Club des Stratèges de Brazzaville, le jeune prodige a très tôt manifesté une curiosité lexicale nourrie par l’écoute assidue des conteurs de quartier et par un usage intensif des bibliothèques scolaires. « Le Scrabble m’a appris la patience et la précision », confiait-il récemment, insistant sur le rôle déterminant de ses entraîneurs bénévoles.
Une audience gouvernementale aux résonances sociétales
Samedi 26 juillet 2025, l’immense rotonde de la Primature a servi d’écrin à la rencontre entre le chef du Gouvernement, Anatole Collinet Makosso, et le champion fraîchement titré. Sous les lambris, la solennité n’a pas étouffé la chaleur des échanges. Le Premier ministre, entouré des ministres de la Jeunesse, des Sports et de la Réforme de l’État, a salué « un ambassadeur de la jeunesse congolaise ». Dans un pays où plus de soixante pour cent de la population est âgée de moins de trente ans, ce verbe résonne comme un signal politique : le talent sera mis en avant chaque fois qu’il croisera la discipline et la persévérance. Les félicitations adressées aux parents de Briny, « pour leur rôle de boussole silencieuse », soulignent à demi-mot la place centrale de la cellule familiale dans la politique publique de l’éducation.
Le Scrabble, laboratoire linguistique et outil pédagogique
En déclarant vouloir « ancrer le Scrabble dans le système éducatif national », Anatole Collinet Makosso inscrit le jeu lexical dans une perspective plus large que la seule compétition. Les pédagogues y voient un instrument de consolidation de la lecture et de l’orthographe, mais aussi un terrain de socialisation où s’exerce la civilité. Selon la Direction des programmes scolaires, un module pilote devrait être expérimenté dès la rentrée prochaine dans vingt-cinq établissements pilotes, mêlant ateliers de vocabulaire, initiation à la stratégie et tournois interclasses. Le ministère des Sports parle déjà d’un « esport littéraire » susceptible d’attirer autant les lycéens férus de nouvelles technologies que les amateurs de dictionnaires.
Rayonnement international et diplomatie de la jeunesse
Le sacre de Briny Oscar intervient dans un contexte où le Congo-Brazzaville multiplie les initiatives culturelles pour affiner son image sur la scène mondiale. Les tournées de l’Orchestre Symphonique Kimbanguiste, la Biennale d’art contemporain de Pointe-Noire et, désormais, cette victoire planétaire au Scrabble composent un triptyque de soft power africain. Pour la sociologue Armelle Mabiala, « les succès individuels, quand ils s’inscrivent dans un récit collectif, renforcent la confiance nationale et crédibilisent le pays auprès de ses partenaires ». Le Département des Affaires étrangères prévoit ainsi d’associer Briny Oscar à certaines missions culturelles, transformant le champion en messager itinérant de l’excellence éducative congolaise.
Perspectives pour les sports cérébraux au Congo
Le Gouvernement a confirmé la mise en place d’un fonds d’appui de cent millions de francs CFA destiné à la formation des entraîneurs et à l’organisation d’un circuit national des sports cérébraux. L’objectif est double : repérer précocement les talents et favoriser une émulation saine au sein des établissements scolaires et universitaires. Déjà, les fédérations d’échecs et de go se réjouissent d’un possible effet d’entraînement, tandis que plusieurs entreprises para-publiques envisagent un mécénat ciblé sur l’acquisition de jeux et la rénovation de salles polyvalentes. Ce maillage institutionnel, rarement mobilisé autour d’une discipline jugée confidentielle, témoigne d’une volonté de diversifier les horizons sportifs et intellectuels de la jeunesse.
Une leçon d’endurance et d’anticipation
Au-delà de la célébration, l’épopée de Briny Oscar Kouba Matouridi révèle un récit de long terme : celui d’un pays qui parie sur l’intelligence comme moteur de développement. L’audience à la Primature aura certes revêtu la forme d’un hommage protocolaire, mais elle scelle aussi un contrat moral entre l’État et ses jeunes citoyens. En se voulant exemplaire, le champion du monde ouvre la voie à d’autres vocations scientifiques, littéraires ou sportives. Sous les projecteurs, le Congo-Brazzaville épelle désormais un mot qui semble lui être familier : avenir.