Le contexte électoral de 2026 et les médias
À moins de trois ans du scrutin présidentiel congolais, l’écosystème médiatique s’organise. À Brazzaville, un atelier soutenu par le ministère de la Communication et l’Unesco vient de réunir trente professionnelles désireuses de couvrir la future campagne sans céder aux clivages habituels.
Dans un pays où les bulletins de vote mobilisent autant les urnes que les passions, l’initiative entend replacer la rigueur journalistique au centre du débat. Les organisateurs misent sur la perspective féminine pour porter un regard nuancé sur les programmes et freiner l’escalade verbale entre partisans.
Le directeur de cabinet du ministre de la Communication, Antoine Oviebo Ethaï, a salué un calendrier « arrivant à point nommé », rappelant que la cohésion nationale reste un « bien commun » façonné par la plume et la caméra. Son message a ancré l’événement dans l’agenda officiel.
Cette reconnaissance institutionnelle confère aux recommandations finales un poids particulier : elles pourraient inspirer les lignes éditoriales, de la radio rurale aux grands plateaux télévisés, décrypte un responsable de l’Union des journalistes congolais, convaincu que « l’autonomisation des consœurs est un indicateur démocratique ».
Trois jours d’ateliers interactifs
Pendant soixante-douze heures, les salles du Centre de presse de Brazzaville ont vibré au rythme de discussions serrées autour du droit électoral, de la prévention des discours de haine et des nouvelles formes de désinformation accélérées par l’intelligence artificielle et les plateformes chiffrées.
Les formatrices ont alterné études de cas inspirées des scrutins de 2021 et simulations de conférences de presse tendues. Chaque exercice visait à tester la réactivité des participantes face aux rumeurs virales, aux déclarations abruptes de candidats et aux contraintes de temps propres au direct.
« Nous devons apprendre à dompter la rapidité, pas à la suivre aveuglément », a insisté Serge Banyimbe, représentant par intérim de l’Unesco. Devant l’assistance, il a décrit le fact-checking comme « un réflexe de survie pour le journaliste, au même titre que le gilet pare-balles ».
Un réseau féminin en gestation
Au terme des travaux, les participantes ont esquissé les statuts d’un Réseau des femmes journalistes du Congo, organisation appelée à surveiller la représentation du genre dans les contenus et à offrir un soutien psychosocial en période de tension, particulièrement lors des soirées de résultats.
Le projet bénéficie déjà de l’attention de plusieurs rédactions nationales désireuses de renforcer leurs pôles factuels. Pour Tania Noguera Ndinga, reporter à Vox TV, « la solidarité féminine est un rempart face à la fatigue et aux pressions qui s’exercent durant les marathons électoraux ».
Au-delà des frontières, les congolaises envisagent de tisser des ponts avec des collectifs similaires au Sénégal et au Ghana, pour partager bases de données, conseils de sécurité numérique et retours d’expérience. Cette diplomatie du savoir pourrait positionner Brazzaville comme laboratoire régional de la couverture inclusive.
L’éthique, boussole rédactionnelle
Les modules consacrés à l’éthique ont rappelé une évidence : la neutralité n’équivaut pas à l’aseptisation. Relayer les multiples voix de la société civile, interroger le financement des campagnes et contextualiser les slogans politiques font partie des missions qui renforcent la confiance du public.
Pour éviter la tentation du sensationnalisme, les intervenantes ont recommandé de privilégier les formats longs, podcasts ou enquêtes magazine, capables d’approfondir la complexité des programmes. La hiérarchisation de l’information reste un exercice délicat : certains algorithmes favorisent le conflit, là où la pédagogie exige du recul.
Un volet spécifique a abordé l’usage responsable des visuels. Entre deepfakes sophistiqués et images sorties de leur contexte, la vigilance iconographique s’impose. Les instructrices ont rappelé que « chaque photo publiée est un acte éditorial » dont l’impact émotionnel peut conditionner la perception globale d’un processus électoral.
Vers 2026, cap sur la cohésion
Les décisions actées lors de l’atelier seront présentées aux organes de régulation, y compris le Conseil supérieur de la liberté de communication, afin d’être intégrées aux prochains guides professionnels. L’objectif est d’atteindre, d’ici 2026, une baisse mesurable des contenus polarisants relevés dans les monitorings.
La révision des listes électorales, prévue du 1er septembre au 30 octobre, offrira un premier terrain d’application. Les participantes se sont engagées à mutualiser leurs productions via une plateforme sécurisée, sorte de newsroom virtuelle, pour partager outils de vérification et démentis rédigés collectivement.
Au-delà de la technique, l’atelier a posé un cadre philosophique : la presse est présentée comme un levier de stabilisation sociale, complémentaire aux institutions. En s’appropriant cette responsabilité, les femmes journalistes congolaises espèrent insuffler un souffle apaisé à la campagne et contribuer à une participation citoyenne éclairée.
Plusieurs observateurs saluent l’engagement du gouvernement, rappelant que le Congo fut parmi les premiers États africains à ratifier la Déclaration de Windhoek+. En soutenant la formation continue, Brazzaville nourrit l’ambition de faire de sa scène médiatique un incubateur d’innovations éditoriales adaptées aux réalités locales.
Reste à transformer l’essai : les prochains mois diront si les rédactions intègrent vraiment ces outils, ou si l’élan restera cantonné aux couloirs feutrés des ateliers.