Des hangars conçus pour durer à Mongo Kamba II
Dominant la plaine côtière de Pointe-Noire, le double entrepôt de Mongo Kamba II s’impose déjà comme la nouvelle plaque tournante logistique de l’électricité congolaise. Ces structures, réalisées par l’entreprise Central BTP, ont vu le jour grâce à un prêt de l’Agence française de développement dont le montant s’élève à 1 279 754 284 FCFA. Leur architecture, volontairement sobre, répond aux normes de sécurité industrielle les plus récentes, notamment pour le confinement des huiles et des gaz utilisés dans les équipements électriques.
Le premier bâtiment est exclusivement dédié aux transformateurs haute tension dont l’arrivée est programmée dans les prochains mois. Le second, séparé de plusieurs mètres pour prévenir tout risque de contamination croisée, accueillera les cellules contenant des gaz isolants. Une aire extérieure de près de 1 000 m² complète l’ensemble afin de répondre à d’éventuels pics de stockage. À l’issue de sa visite, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Emile Ouosso, n’a pas caché sa satisfaction, saluant « un jalon décisif pour la fiabilité de notre réseau ».
Vers un réseau électrique plus résilient
Le Congo ambitionne depuis plusieurs années de passer d’un système encore fragile à un maillage robuste, capable d’accompagner la croissance démographique et industrielle. Les coupures enregistrées en 2021 sur l’axe Brazzaville-Pointe-Noire avaient rappelé l’urgence de renforcer la dorsale énergétique nationale. Signe d’un tournant, la compagnie italienne Eni a entrepris la rénovation de cette ligne stratégique, tandis que la Banque mondiale a fléché une partie de ses financements vers l’acquisition de transformateurs et d’appareillages modernes.
Selon les projections du ministère, la mise en service simultanée de nouveaux postes en Kouilou, Bouenza et Niari devrait réduire d’un tiers les interruptions non planifiées d’ici 2025. « Disposer de pièces de rechange immédiatement disponibles raccourcit les délais de dépannage et renforce la confiance des consommateurs », analyse Albert Bakala, conseiller au transport de l’énergie.
La digitalisation des stocks, un changement de paradigme
Derrière la maçonnerie et l’acier, la principale nouveauté réside peut-être dans l’adoption d’un système de gestion entièrement numérisé. Le directeur général de la Société énergie électrique du Congo, Jean Bruno Danga Adou, prévoit l’implantation de logiciels de traçabilité qui lient chaque pièce à un code unique. « Nous passons d’une comptabilité papier à une visibilité temps réel. À terme, une alerte signalera automatiquement toute pièce critique dont le niveau de stock devient bas », précise-t-il.
Cette approche répond à une préoccupation exprimée par les collectivités locales. La maire de Pointe-Noire, Evelyne Tchitchelle, insiste sur l’importance d’une surveillance permanente, rappelant que les anciennes installations avaient souffert d’actes de vandalisme. Le nouveau dispositif repose donc sur des caméras connectées et un contrôle d’accès biométrique, autant de garanties pour préserver un patrimoine technique coûteux.
Un financement mixte, gage de stabilité
La configuration financière de l’opération illustre l’orientation partenariale privilégiée par Brazzaville. En associant les apports de l’AFD, de la Banque mondiale et des majors pétrolières implantées dans le pays, le gouvernement articule ressources concessionnelles et engagement privé. Le ministre Emile Ouosso voit dans cette combinaison « un modèle de coopération équilibré, où chaque partenaire trouve un terrain d’expression de son expertise ».
Ce modèle, conforme au Plan national de développement 2022-2026, témoigne aussi de la volonté de sécuriser les chaînes d’approvisionnement à l’heure où les marchés internationaux des équipements haute tension restent soumis à de fortes tensions. Pour anticiper d’éventuelles ruptures, le ministère explore déjà la possibilité de commandes groupées régionales sous l’égide du Pool énergétique d’Afrique centrale, initiative destinée à mutualiser les exigences de volume.
Perspective d’une gouvernance renforcée
Les réformes structurelles engagées depuis deux ans visent à séparer plus nettement les fonctions de production, de transport et de distribution. Une telle clarification devrait améliorer la lisibilité des tarifs et encourager l’investissement privé, notamment dans le segment des énergies renouvelables dont le potentiel congolais reste substantiel.
À terme, l’ambition affichée consiste à doter le pays d’un réseau « aussi fort et aussi robuste » que ses ambitions régionales. Les entrepôts de Mongo Kamba II ne constituent ainsi qu’une étape, mais une étape symbolique : celle où la maintenance cesse d’être un exercice improvisé pour devenir une discipline planifiée, appuyée sur des stocks stratégiques et des outils numériques. Dans un contexte marqué par la recherche de souveraineté énergétique, cette avancée contribue à écrire une nouvelle page de la sécurité électrique nationale, au bénéfice direct des ménages et des entreprises.