Un séminaire littéraire au parfum d’exégèse à Pointe-Noire
Le 19 juillet, le musée Cercle africain de Pointe-Noire s’est transformé en agora des lettres et de la foi. À l’initiative du Café Prud’homme, un public mêlant fidèles lecteurs, universitaires et curieux s’est réuni pour accompagner Bernard Moussoki, 70 ans, dans la présentation de ses trois plus récents titres : « Dieu nous parle » tomes 1 et 2, ainsi que « Le devoir de s’asseoir – Construire l’unité du couple » tome 1, tous parus aux Éditions Vérone. Dans une atmosphère empreinte de convivialité studieuse, les échanges ont oscillé entre analyse théologique, interrogations littéraires et considérations sociétales, donnant au séminaire une dimension de laboratoire intellectuel que l’on souhaiterait voir plus souvent dans la capitale économique du Congo-Brazzaville.
La trajectoire d’un laïc engagé devenu plume reconnue
Né en 1953, marié et père de sept enfants, Bernard Moussoki revendique un parcours d’apôtre laïc au long cours. Entre 1986 et 2019, il occupe diverses responsabilités ecclésiales, dont celle de modérateur du conseil pastoral de la paroisse Sainte Face de Jésus au Faubourg. Son implication au sein de la Ligue pour la lecture de la Bible et de l’Alliance biblique de Pointe-Noire complète cette expérience. « Mon écriture est née sur les bancs d’une catéchèse permanente », confiait-il, soulignant que la plume a pris le relais de la parole une fois son apostolat de terrain achevé. Cette reconversion, que d’aucuns qualifieraient de naturelle, s’inscrit dans une tradition congolaise où la littérature religieuse sert d’outil de transmission, autant que de dialogue intergénérationnel.
Discerner la Parole : genèse et portée de « Dieu nous parle »
Les deux premiers tomes de « Dieu nous parle » proposent un itinéraire guidé à travers les Évangiles. Moussoki y adopte une méthode d’exégèse vulgarisée, destinée à rendre accessibles des passages parfois austères des Écritures. L’auteur part du principe, tiré de l’épître aux Romains, que « la foi vient de ce qu’on entend ». Il invite donc le lecteur à écouter, puis à confronter le texte à sa réalité concrète, quitte à bousculer quelques certitudes. Selon le théologien laïc Dieudonné Maba, présent au séminaire, « l’ouvrage réussit le délicat équilibre entre rigueur scripturaire et langage courant, ce qui n’est pas si fréquent dans la production ouest-africaine ». Surtout, les tomes posent un cadre méthodologique en quatre mouvements – écouter, méditer, discerner, agir – qui vise à faire du lecteur un acteur de la parole plutôt qu’un simple récepteur.
Dialogue conjugal et théologie pratique
Avec « Le devoir de s’asseoir – Construire l’unité du couple », Bernard Moussoki quitte l’herméneutique pure pour aborder le terrain souvent miné du mariage contemporain. En mobilisant ses quarante années d’expérience conjugale, il corrobore ses observations par des références bibliques afin de réhabiliter la dimension sacramentelle de l’union. La thèse centrale est que la parole, le partage spirituel et l’harmonie sexuelle forment un triptyque indissociable. « Je ne prétends pas réinventer la théologie du mariage, mais rappeler que s’asseoir pour dialoguer reste le point de départ de toute reconstruction », a-t-il expliqué. Dans une société urbaine congolaise où les tensions économiques et les nouvelles normes culturelles fragilisent la cellule familiale, le livre résonne comme un manuel autant que comme un plaidoyer pour la cohésion sociale.
Les enjeux éditoriaux d’une littérature spirituelle au Congo-Brazzaville
Publiés à Paris chez Vérone, les trois volumes interrogent la capacité des structures locales à soutenir ce type de littérature. Si la capitale Brazzaville dispose d’une foire du livre dynamique, Pointe-Noire cherche encore les relais logistiques pour une distribution régulière. Selon Nadège Poaty, éditrice indépendante, « le succès d’ouvrages à forte teneur spirituelle dépend d’un maillage libraire-paroisse encore en construction ». Or, la demande existe : la population congolaise, majoritairement chrétienne, se montre friande de contenus conciliant foi et réponses pratiques aux défis contemporains. La circulation d’auteurs comme Moussoki pourrait ainsi participer à consolider un marché éditorial local, tout en exportant une voix congolaise nuancée, loin des clichés.
Une réception critique et enthousiaste
Au terme du séminaire, les réactions se sont révélées contrastées mais globalement positives. Les lecteurs ont salué la clarté pédagogique, quand certains universitaires regrettaient l’absence d’appareil critique plus dense. « Le mérite de l’auteur est de laisser la porte ouverte aux chercheurs », reconnaissait pourtant la professeure de littérature Léonie Malonga. Le public a surtout souligné la pertinence sociétale du troisième ouvrage, qui arrive à un moment où les débats sur la famille occupent l’espace médiatique. Sur les réseaux, de jeunes diplômés ont partagé des extraits, preuve que la génération montante ne boude pas une parole spirituelle dès lors qu’elle se veut dialogique et ancrée dans le quotidien.
Perspectives pour une scène littéraire en quête d’enracinement
La présence de Bernard Moussoki au Cercle africain illustre une dynamique plus large : la redéfinition d’une offre culturelle congolaise capable de conjuguer tradition, réflexion morale et innovation éditoriale. Les échanges de la journée du 19 juillet ont démontré que la littérature spirituelle, lorsqu’elle se présente sous une forme exigeante et accessible, peut fédérer des publics pluriels, du lecteur averti au jeune professionnel en quête de repères. À l’heure où le pays multiplie les initiatives pour renforcer son rayonnement culturel, cette mobilisation autour de trois ouvrages rappelle que la plume demeure un vecteur essentiel de cohésion et de projection collective. S’il fallait résumer l’esprit de la rencontre, on retiendrait la formule lancée par un participant : « Écrire, c’est encore une façon de bâtir des ponts ». La formule sied à Bernard Moussoki, dont la vocation à relier, par l’encre, le spirituel au temporel ne semble faire que commencer.