Un partenariat stratégique au cœur de la transition énergétique
Dans un amphithéâtre naturellement baigné de la lumière d’un mois de juillet, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Emile Ouosso, a donné le coup d’envoi officiel du Projet d’amélioration des services d’électricité. Conçu en moins d’une année civile, le PASEL cristallise l’alliance entre la République du Congo et la Banque mondiale autour d’un objectif précisément chiffré : investir 100 millions de dollars pour moderniser un secteur énergétique que de nombreux observateurs identifient comme l’épine dorsale de la diversification économique nationale. Sous le regard attentif de Jie Tang et de Clarence Tsimpo Nkengne, le projet a été décrit comme « transformationnel » et « structurant » pour un portefeuille de l’institution de Bretton Woods dont il représente désormais près de 11 %.
La gouvernance du programme s’inscrit dans le prolongement du Pacte énergétique national et de l’initiative M300, destinée à catalyser des synergies publiques-privées. Pour le ministre, il s’agit d’une réponse « concrète, structurée et ciblée » aux défis de l’heure, expression d’une volonté politique assumée de limiter définitivement les black-outs qui minent la compétitivité des entreprises et le confort des ménages.
Des infrastructures robustes pour un réseau résilient
Le volet technique du PASEL repose sur le renforcement de l’axe stratégique Pointe-Noire–Brazzaville, colonne vertébrale du transport d’électricité dans le pays. L’acquisition de six transformateurs haute tension et l’installation de compteurs intelligents à grande échelle traduisent une volonté de s’aligner sur les standards internationaux de fiabilité énergétique. Selon Olivia Mazaba-Ntondelé, coordonnatrice du projet, la priorisation des segments à haute criticité vise à réduire les pertes non techniques et à fluidifier une distribution encore morcelée.
Les experts rappellent que le Congo dispose d’un potentiel hydraulique estimé à plus de 3 GW, dont seule une fraction alimente aujourd’hui le réseau national. L’amélioration des capacités de transport doit donc servir de tremplin à l’intégration de futures centrales hydroélectriques régionales, tout en préparant le terrain à une diversification vers le solaire et le gaz, en ligne avec les objectifs de développement durable.
Transparence et viabilité financière : les deux piliers du modèle
Au-delà des ouvrages, le PASEL s’attaque au nerf de la guerre : la performance commerciale de l’opérateur Énergie Électrique du Congo (E2C). La réduction des pertes non techniques – branchements illicites, défauts de facturation ou recouvrements partiels – est identifiée comme condition sine qua non d’une viabilité à long terme. Clarence Tsimpo Nkengne souligne que « chaque kilowatt facturé renforce la crédibilité du secteur et atténue la pression sur les finances publiques ».
Une grille tarifaire plus lisible, associée à l’introduction progressive des compteurs prépayés, devrait favoriser une culture de paiement et offrir aux usagers un contrôle accru sur leur consommation. Le projet prévoit également des audits réguliers et la publication de rapports de performance, démarche inédite qui reflète une exigence de transparence voulue par les partenaires techniques et financiers.
Retombées socio-économiques attendues pour les populations
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, les délestages récurrents ont longtemps rythmé le quotidien des ménages, freinant par ricochet l’essor des activités productives. Le Centre congolais d’analyses économiques estime que chaque heure de coupure coûte en moyenne 0,8 % du produit intérieur brut quotidien. En améliorant la stabilité de l’alimentation, le PASEL pourrait stimuler la création d’emplois dans l’agro-industrie, le numérique et les services, où la fiabilité électrique constitue un prérequis majeur.
Jeunes entrepreneurs et responsables de start-up, rencontrés lors du lancement, voient déjà dans la modernisation du réseau une promesse pour l’économie numérique émergente. Paulette Mvouba, fondatrice d’un espace de coworking au centre-ville, confie que « la régularité du courant, plus que la vitesse d’Internet, conditionne l’attractivité d’un hub technologique ». Elle illustre une dynamique où l’énergie devient un catalyseur d’innovation et d’inclusion sociale.
Une trajectoire vers l’accès universel et durable à l’énergie
Le Gouvernement compte sur la Stratégie d’électrification nationale et le Plan de développement à moindre coût, élaborés parallèlement au PASEL, pour porter le taux d’accès à l’électricité de 70 % en zone urbaine et 16 % en zone rurale à des niveaux proches de la moyenne continentale d’ici à 2030. L’interconnexion des réseaux, couplée à l’intégration des énergies renouvelables, augure d’une architecture plus verte, conformément aux engagements pris lors de la COP27.
Emile Ouosso insiste : « Notre succès dépend de notre capacité collective à agir de manière concertée ». Ce credo renvoie à la place essentielle de la société civile, des collectivités locales et du secteur privé dans la mise en musique des ouvrages. Si les défis opérationnels restent nombreux, l’alliance stratégique ainsi scellée offre une plateforme solide pour transformer les ambitions en réalisations tangibles et pérennes.
Perspectives et défis à long terme
En épilogue, le PASEL apparaît comme un laboratoire grandeur nature d’une coopération multilatérale orientée résultats. Sa réussite, mesurée par la capacité de Pointe-Noire et Brazzaville à tourner la page des coupures impromptues, servirait de référence pour d’autres projets d’infrastructures continentaux. La Banque mondiale considère déjà le Congo comme un terrain d’expérimentation pour de nouvelles approches de financement axées sur la performance.
À court terme, la modernisation des équipements favorisera une meilleure gestion de la demande et réduira les émissions liées à la surutilisation de groupes électrogènes. À moyen terme, l’augmentation de la couverture électrique devrait attirer les investissements industriels, tandis qu’à long terme l’ancrage dans un mix énergétique équilibré renforcera la résilience du pays face aux aléas climatiques. Le défi, désormais, est de concilier rapidité d’exécution et rigueur, afin que la promesse d’une lumière continue ne demeure pas un mirage mais devienne le socle d’un développement partagé.