Les adieux officiels à Brazzaville
Le Palais des congrès de Brazzaville a résonné, le 12 août, d’une solennité particulière. La nation rassemblée y saluait la mémoire de Note Agathon, ancien président de la Cour constitutionnelle.
Devant le chef de l’État Denis Sassou Nguesso, responsables politiques, diplomates, étudiants et anonymes ont observé un silence vibrant, traduisant un respect partagé pour ce serviteur public.
La dépouille, drapée des couleurs nationales, reposait au centre de l’hémicycle, sous la garde de soldats immobiles, tandis qu’un chœur entonnait des chants patriotiques à voix basse.
Ce cérémonial sobre, retransmis en direct sur Télé-Congo, a permis aux Congolais de tous horizons de se joindre à l’hommage, même depuis les quartiers périphériques et la diaspora.
Un parcours administratif hors norme
Né en 1934, Note Agathon a traversé plus d’un demi-siècle de mutations institutionnelles en conservant une réputation d’exigence, d’intégrité et de connaissance encyclopédique des textes.
Diplômé de l’École nationale d’administration de Paris, il rentre à Brazzaville en 1963, nommé directeur du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Prévoyance sociale.
À seulement trente-deux ans, il est déjà perçu comme l’un des jeunes cerveaux capables de moderniser une administration qui s’adapte alors à l’indépendance récente.
Quatre années plus tard, il obtient la direction générale du Travail, puis la Fonction publique, positions-clés où il rationalise les procédures et encourage la méritocratie.
Ses collaborateurs racontent qu’il arrivait avant l’aube, crayon rouge à la main, pour corriger les projets de décret jusque dans leurs moindres virgules.
Son empreinte sur la formation des cadres
L’ENA de Brazzaville, qu’il dirige à deux reprises entre 1972 et 1975, lui doit un plan pédagogique articulé autour de la rigueur juridique et de l’ouverture internationale.
Sous son mandat, les promotions baptisées Likouala et Kouilou comptent parmi les plus brillantes, exportant leurs compétences jusqu’aux organisations régionales d’Afrique centrale.
Il introduit des stages obligatoires en province, estimant que le futur haut fonctionnaire doit connaître le terrain villageois aussi bien que les couloirs ministériels.
Cette exigence de proximité a marqué une génération de cadres, dont plusieurs, aujourd’hui conseillers spéciaux, soulignent son sens de l’anticipation et sa foi dans le progrès partagé.
En 1980, invité au colloque d’Abidjan sur l’éducation civique, il théorise une approche panafricaine de la gestion publique, applaudie pour son pragmatisme et son attachement aux valeurs locales.
Le lien indéfectible avec les institutions
Après avoir supervisé l’Office national du commerce puis l’Usine des tissus synthétiques, Note Agathon rejoint l’Inspection générale d’État en 1987 pour veiller à la bonne utilisation des fonds publics.
Ses rapports corsés, remis à la présidence, demeurent des références pour comprendre la transition économique des années quatre-vingt et la discipline budgétaire qui s’ensuivit.
En 2003, sa nomination à la tête de la Cour constitutionnelle parachève une carrière déjà dense; il y défendra jusqu’en 2012 le respect scrupuleux des procédures électorales.
Durant cette période, il consolide le dialogue entre magistrats et partis, privilégiant la médiation plutôt que la posture répressive, option saluée par plusieurs observateurs internationaux.
Le président actuel de l’institution, Auguste Iloki, le décrit comme « un modèle de vie au service de la République, habité par un sens élevé du devoir ».
Une cérémonie émouvante au Palais des congrès
Les premières notes de la fanfare militaire ont retenti à 10 heures précises, ouvrant le protocole par la levée des couleurs et l’exécution de l’hymne national.
Dans la salle, plusieurs anciens ministres portaient la tenue traditionnelle, signe d’unité culturelle, tandis que les représentants religieux bénissaient le cercueil en rappelant les racines communes.
L’intervention du professeur Lydie Oko, sa nièce, a apporté une dimension familiale, évoquant sa passion méconnue pour la poésie et son goût prononcé pour la musique lingala.
Le chef de l’État s’est ensuite approché du cercueil, posant une gerbe d’orchidées blanches; un geste sobre, prolongé d’un court moment de recueillement accompagné d’applaudissements discrets.
Avant la fermeture du convoi, la chorale Mix Voices a interprété « Foudia Mama », chant funèbre lari, invitant l’assistance à une communion au-delà des appartenances politiques.
L’héritage moral et civique
La disparition de Note Agathon intervient alors que le pays consolide ses institutions et se prépare à de nouveaux défis socio-économiques, du numérique à la diversification industrielle.
Pour plusieurs universitaires, son parcours illustre la possibilité d’un service public fondé sur la compétence et l’anticipation, qualités jugées essentielles dans la gouvernance contemporaine.
Les jeunes fonctionnaires rencontrés à la sortie de la cérémonie évoquent un guide exigeant, toujours disponible pour expliquer un article de loi ou un principe budgétaire.
Un fonds documentaire portant son nom devrait prochainement voir le jour au siège de la Cour constitutionnelle; il réunira archives personnelles, cours inédits et correspondances diplomatiques.
Par cet effort de mémoire, la République espère transmettre aux générations montantes la rigueur, la sobriété et l’esprit de service qui ont guidé toute une vie exemplaire.