Une annonce au cœur du berceau ivoirien de l’Unesco
C’est dans la cité de Yamoussoukro, capitale administrative de la Côte d’Ivoire et haut lieu symbolique de la présence de l’Unesco sur le continent, qu’a retenti le 29 juillet dernier l’appel de la Confédération africaine des associations et clubs de l’Unesco. Sous les voûtes modernes de la Fondation Félix-Houphouët-Boigny, Allogmom Gabin, président de la Cacu, a dévoilé une « campagne citoyenne internationale » destinée à réunir gouvernements, société civile et diaspora autour de la candidature de Firmin Édouard Matoko au fauteuil de directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.
Firmin Édouard Matoko, un parcours au service de la priorité Afrique
Né à Impfondo et formé entre Brazzaville, Paris et Montréal, Firmin Édouard Matoko n’est pas un inconnu à l’Unesco. Pendant près d’une décennie, il y a incarné la « Priorité Afrique » à la tête du secteur dédié, avant d’élargir ses prérogatives aux relations extérieures. Les diplomates qui l’ont côtoyé saluent « un artisan discret mais infatigable de la convergence culturelle », selon les mots d’un ancien représentant du Cameroun à Paris. Sa trajectoire épouse ainsi la progressive montée en puissance des problématiques africaines au sein de l’agence onusienne : restitution des biens culturels, sauvegarde des langues minoritaires, protection des sites naturels menacés par le changement climatique.
Mobilisation continentale et soutien affiché de Brazzaville
La campagne imaginée par la Cacu se déploiera du Golfe de Guinée jusqu’aux rives du Nil, avec escales prévues à Dakar, Addis-Abeba, Pretoria et Alger. Elle entend convaincre autant les chancelleries que l’opinion publique d’accorder à l’Afrique « une voix, non pas supplétive, mais prescriptive » dans la gouvernance mondiale de la culture. L’appel a déjà reçu un appui remarqué du président ivoirien Alassane Ouattara, qui a salué « l’expertise éprouvée et l’ouverture d’esprit d’un fils du continent ». À Brazzaville, le ministère des Affaires étrangères a fait savoir qu’il « salue l’initiative citoyenne et se tient à la disposition des États frères pour faciliter les concertations nécessaires », signe d’une diplomatie congolaise soucieuse de conjuguer soft power et multilatéralisme responsable.
Les enjeux d’une succession sous tension
L’élection du futur directeur général, attendue en octobre, intervient dans un contexte de questionnements sur la pertinence du multilatéralisme culturel. Le retrait ou la suspension de certains États membres, les débats sur la gouvernance patrimoniale numérique et les inégalités d’accès à l’éducation exacerbées par la pandémie ont nourri un besoin de rééquilibrage géographique et politique. « Le continent africain ne revendique pas une préséance mais un simple retour à l’équité », analyse la professeure ivoirienne Fatoumata Koné, spécialiste des politiques culturelles. Les concurrents de Firmin Matoko – un diplomate d’Europe centrale et une haute fonctionnaire d’Asie – disposent eux aussi de solides soutiens, mais l’argument de la représentativité régionale pourrait peser dans la balance.
Une diplomatie culturelle à la croisée des générations
Pour les jeunes Africains, principaux bénéficiaires des programmes éducatifs de l’Unesco, la candidature Matoko cristallise des espoirs de renouvellement. À l’Université Marien-Ngouabi, à Brazzaville, les étudiants en patrimoine insistent sur l’importance « d’un dirigeant qui comprenne de l’intérieur les réalités du terrain ». De leur côté, les clubs Unesco de Kinshasa, Nairobi et Johannesburg multiplient les webinaires afin de sensibiliser la jeunesse connectée à l’enjeu du vote d’octobre. La dynamique rejoint les ambitions de l’Union africaine, qui a fait de 2024-2025 une étape clé de son Agenda 2063 en matière de valorisation des industries culturelles et créatives.
Vers un nouveau récit africain au sein de l’agence onusienne
Si la campagne de la Cacu se veut résolument inclusive, elle souligne également la nécessité de consolider les partenariats Sud-Sud et de promouvoir des modèles innovants de financement culturel. Firmin Matoko, interrogé en marge du lancement, a rappelé que « l’Unesco ne peut demeurer un simple guichet de labellisation ; elle doit redevenir un incubateur d’idées et un catalyseur de solidarité ». Au-delà de l’affrontement électoral, la dynamique actuelle esquisse ainsi la possibilité pour l’Afrique de peser davantage sur les chantiers stratégiques : intelligence artificielle éthique, transition climatique juste, égalité des genres dans la recherche scientifique.
Octobre 2025 : le rendez-vous du verdict
Dans moins de deux mois, les 58 membres du Conseil exécutif de l’Unesco se réuniront à Paris pour auditionner les candidats avant un vote à bulletins secrets. La Cacu promet d’ici là une série d’initiatives de plaidoyer, de concerts solidaires et de tribunes dans la presse panafricaine. Quelle que soit l’issue, la séquence aura déjà réussi à replacer l’Afrique au centre des conversations sur la gouvernance culturelle mondiale. À l’heure où nombre d’organisations internationales cherchent un second souffle, la trajectoire de Firmin Édouard Matoko sonne comme une invitation à réécrire, depuis Brazzaville jusqu’à Yamoussoukro, un récit multilatéral plus polyphonique, plus équitable et résolument tourné vers la jeunesse.