Le contexte de la compétition
Depuis l’annonce de Zanzibar comme hôte du CHAN 2025, les projecteurs africains se braquent sur l’archipel tanzanien, théâtre d’une compétition où les joueurs évoluant dans leurs championnats locaux défendent un football identitaire et chargé d’émotions.
Le Sénégal, sacré à Alger en 2023, arrivait en favori légitime d’un tournoi élargi à seize nations, tandis que le Congo, emmené par le sélectionneur Barthélémy Ngatsono, cultivait l’idée d’un parcours surprise pour confirmer l’élan de son championnat d’élite.
Un duel tactique sous le soleil de Zanzibar
Mardi 12 août, le soleil couchant embrasait les tribunes du stade Amani lorsque l’arbitre libyen Ramzi Mahmoud lança les hostilités. Les deux formations, façonnées pour le pressing haut, s’observèrent d’abord, avant que le couloir gauche congolais ne se transforme en boulevard.
À la 19e minute, Charles Atipo déposa un centre chirurgical dans la surface, Dechan Moussavou surgit entre les centraux adverses et ouvrit la marque d’une tête décroisée, rappelant la précision ailée des écoles de foot de Pointe-Noire.
Le Sénégal, pourtant dominateur dans la possession, ne trouva aucun tir cadré avant la pause. Souleymane Diallo, conscient du piège entrevu la veille en conférence de presse, gesticulait dans sa zone technique pour réanimer un milieu de terrain trop latéral.
Les Diables rouges crèvent l’écran
Ce Congo new-look déployait un 4-3-3 compact, avec le capitaine Chancel Ondongo en sentinelle pour casser les transitions des Lions. Chaque récupération se transformait en contre éclair, soutenu par la vélocité d’Emmanuel Ngouélondélé, symbole d’une formation travaillée physiquement et mentalement.
En tribune, des supporters drapés de la bannière vert-jaune-rouge entonnaient des chansons patriotiques reprises par les hauts-parleurs. « Le football local véhicule notre fierté », confiait Mireille Kimbembé, étudiante installée à Brazzaville, venue assister au tournoi grâce à un programme du ministère des Sports.
Les observateurs saluaient également la discipline défensive instaurée par Ngatsono. L’arrière garde, articulée autour de Dorian Loubaki, multipliait les jaillissements pour réduire les espaces à Lamine Camara, le meneur sénégalais. « Ils ont étudié chaque déplacement sur vidéo », soulignait le consultant kényan Francis Ochieng.
Des Lions à la recherche de solutions
L’entrée après l’heure de jeu du jeune ailier Aliou Badji redynamisa les couloirs sénégalais. Ses percées, combinées aux montées de Cheikh Kane, obligèrent le bloc congolais à reculer de dix mètres, révélant une première brèche dans un dispositif jusque-là impeccable.
À la 82e, Layousse Sambqui profita d’un centre tendu pour égaliser du plat du pied. Le banc sénégalais exulta, conscient d’éviter une défaite qui aurait compliqué l’objectif de doublé historique. Dans l’instant, l’atmosphère se mua en tonnerre, reflétant toute la dramaturgie du CHAN.
Malgré l’égalisation, le staff sénégalais reconnut la solidité adverse. « Le Congo a élevé le débat athlétique et tactique, nous devrons corriger notre utilisation du ballon », admit Diallo, tandis que son homologue louait « l’esprit conquérant et le sens collectif » développés lors du stage préparatoire de Kintélé.
Enjeux et perspectives pour le groupe C
Ce nul place les deux équipes à égalité derrière un Nigeria revanchard, rendant les ultimes matches décisifs. Le Sénégal affrontera le Soudan, tandis que le Congo croisera les Super Eagles. L’équation est simple : première place synonyme de quart plus abordable.
En interne, la fédération congolaise voit dans cette compétition une opportunité de valoriser la jeunesse issue des centres de formation nationaux inaugurés ces dernières années, dans le sillage du Plan National de Développement. Un parcours prolongé renforcerait la visibilité de ces structures auprès des recruteurs.
CHAN et diplomatie sportive
Au-delà du terrain, Brazzaville considère la vitrine CHAN comme un levier de diplomatie culturelle. Les autorités soutiennent les initiatives de fan-zones et d’échanges d’artistes sur place, misant sur le football comme langage commun capable d’ouvrir des dialogues régionaux et de stimuler le tourisme intra-africain.
Historien du sport, le professeur Aimé Okemba rappelle que « le Congo utilisa déjà les Jeux d’Afrique centrale de 1981 pour projeter une image d’unité et de modernité ». Selon lui, l’actuelle implication institutionnelle prolonge cette tradition, en phase avec les ambitions continentales de la zone CEMAC.
Résonance dans la jeunesse africaine
Si le spectacle a séduit les puristes, il résonne surtout comme un récit d’émancipation pour les jeunes africains aspirant à briller sans quitter leur championnat. La performance congolaise ravive l’idée qu’une organisation réfléchie et une préparation performante peuvent rivaliser avec les nations les mieux dotées.
Les prochaines journées promettent leur lot d’étincelles. Toutefois, ce Congo-Sénégal déjà entré dans la mémoire du tournoi rappelle que le CHAN n’est pas qu’un antichambre, mais bien un laboratoire d’identités sportives dont l’écho dépasse 90 minutes, emportant supporters, artistes et décideurs dans une même vibration.
En fin de soirée, les deux groupes se sont salués sous un tonnerre de vuvuzelas. Point final provisoire d’un récit encore ouvert, dont le prochain chapitre dira si les Lions conserveront leur trône ou si les Diables rouges traceront la voie d’un conte inattendu.
Le public de Zanzibar, ravi, espère désormais une affiche finale chargée de la même intensité pure.