Diplomatie culturelle congolaise en pleine lumière
Le récent périple de Jean-Claude Gakosso à Luanda, Windhoek, Gaborone et Port-Louis n’est pas qu’une succession de visites de courtoisie. Il marque le retour en première ligne d’une diplomatie congolaise résolue à conjuguer rayonnement culturel et influence géopolitique. En portant la candidature de Firmin Édouard Matoko – ancien Sous-directeur général de l’Unesco chargé de la priorité Afrique – Brazzaville ambitionne de rappeler que l’expertise intellectuelle du continent peut légitimement prétendre aux postes les plus stratégiques des organisations multilatérales.
Un itinéraire millimétré en Afrique australe
De Luanda le 21 juillet à Port-Louis le 25, l’agenda a obéi à une logique précise : sonder, en moins d’une semaine, les capitales où le poids diplomatique de l’Afrique australe demeure déterminant dans les équilibres au sein du Conseil exécutif de l’Unesco. Chaque étape a été l’occasion d’entretiens à huis clos avec les chefs d’État ou, à défaut, leurs plus proches conseillers, dans le strict respect de la discrétion qui entoure traditionnellement les promesses de vote. Selon une source diplomatique mauricienne, le message congolais a été « accueilli avec considération », la perspective d’un consensus africain sur un candidat unique étant jugée « de plus en plus crédible ».
Le message présidentiel, ciment d’un consensus africain
Portant une missive personnelle du président Denis Sassou Nguesso, le ministre congolais a insisté sur la nécessité de dépasser les rivalités sous-régionales pour privilégier, cette fois, l’intérêt continental. Les échanges, affirment des sources concordantes proches des chancelleries de Windhoek et de Gaborone, ont mis en avant la trajectoire de M. Matoko, sa maîtrise des arcanes onusiennes et sa capacité à incarner une diplomatie de la connaissance. L’approche congolaise se distingue par un argumentaire centré sur la continuité : donner à l’Afrique la possibilité de piloter une institution qui, depuis soixante-dix-huit ans, façonne la coopération éducative, scientifique et culturelle mondiale.
Anatole Collinet Makosso, relais d’une mobilisation élargie
La phase suivante, confiée au Premier ministre Anatole Collinet Makosso, s’annonce tout aussi rythmée. Dès le 27 juillet, l’équipe de campagne repartira à Libreville, Abidjan, Abuja, Ouagadougou, Monrovia puis Djibouti. En élargissant le socle de soutiens à l’Afrique centrale, occidentale et à la Corne, Brazzaville table sur un effet de chaîne : plus le front africain se resserrera, plus les partenaires latino-américains et asiatiques auront intérêt à négocier avec un acteur perçu comme le porte-voix légitime du continent. Les analystes notent que le chef du gouvernement, ancien ministre de l’Éducation, saura aborder ses interlocuteurs en technicien de la coopération pédagogique, renforçant ainsi la cohérence du récit porté par la délégation.
Firmin Édouard Matoko, figure d’expérience et symbole générationnel
Longtemps numéro deux de l’Unesco pour la priorité Afrique, M. Matoko incarne une double légitimité. D’un côté, il rassure par sa connaissance intime des normes, procédures et équilibres budgétaires de l’institution. De l’autre, il véhicule les aspirations d’une génération de cadres africains formés dans les universités du continent avant de se distinguer au sein du système onusien. Dans un entretien accordé récemment à la presse congolaise, il rappelait que « l’Afrique représente près d’un tiers des États membres ; elle mérite d’être davantage partie prenante des décisions stratégiques ».
La culture comme soft power : enjeux au-delà du scrutin
Au-delà de l’élection prévue pour 2025, la campagne brazzavilloise révèle l’importance croissante de la diplomatie culturelle dans les relations internationales contemporaines. L’Unesco, avec son mandat couvrant le patrimoine immatériel, l’intelligence artificielle éthique et l’éducation pour le climat, est devenue un terrain privilégié pour les États qui souhaitent projeter une influence inclusive. Pour la République du Congo, il s’agit d’inscrire sa stratégie de développement – fondée sur la diversification économique et la valorisation de la francophonie – dans une narration mondiale où la culture n’est plus un supplément d’âme mais un levier d’innovation et de croissance.
Perspectives d’un vote sous haute négociation
À Paris, siège de l’Unesco, les diplomates restent prudents : la bataille se joue autant dans les corridors que dans les capitales. Toutefois, la méthode congolaise, articulant leadership présidentiel, relais ministériels et plaidoyer technique, est saluée par plusieurs observateurs comme un modèle de cohérence. Récemment, un ancien ambassadeur africain auprès de l’Unesco confiait que « la candidature Matoko bénéficie d’une alchimie rare entre compétence et soutien politique ». Reste, d’ici au scrutin, à transformer les marques d’estime en engagements écrits, puis les engagements en votes, ultime métrique d’une campagne où chaque voix compte.
