Verdict exemplaire et portée symbolique
Par une audience rendue le 26 juin au Tribunal de grande instance d’Impfondo, la justice congolaise a condamné trois ressortissants nationaux à des peines de deux à trois ans d’emprisonnement ferme, assorties d’amendes culminant à quatre millions de francs CFA. Rarement une décision sur la délinquance faunique aura cristallisé à ce point l’attention : au-delà des individus, c’est la crédibilité de l’appareil judiciaire et la capacité de l’État à défendre son patrimoine naturel qui se trouvaient à l’épreuve.
Chronologie d’une interpellation minutieuse
Le 27 mai 2025, une opération conjointe de la gendarmerie d’Impfondo et d’Épéna, épaulée par la Direction départementale de l’économie forestière et le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, a permis d’intercepter Jodel Mouandola et Arel Ebouzi en possession d’une peau de panthère, d’écailles et de griffes de pangolin géant. Quelques heures plus tard, le propriétaire supposé, Parfait Mbekele, était appréhendé sur dénonciation. La chaîne de preuve s’est avérée suffisamment robuste pour que les trois hommes reconnaissent les faits dès l’audience préliminaire.
Un socle juridique renforcé depuis 2008
Au-delà de l’émoi, cette affaire rappelle la centralité de la loi 37-2008 sur la faune et les aires protégées, qui proscrit strictement la détention et la commercialisation des espèces intégralement protégées. « La particularité du texte congolais est de prévoir des seuils de sanction suffisamment dissuasifs pour décourager les réseaux transfrontaliers », souligne la professeure Béatrice Milandou, juriste à l’Université Marien-Ngouabi. En appliquant le maximum des peines, le tribunal d’Impfondo s’aligne sur les engagements pris par le Congo dans le cadre de la CITES et du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo.
Likouala, écrin de biodiversité et point névralgique
Territoire de forêts inondées, la Likouala concentre l’une des plus fortes densités de grands mammifères du pays. Cette abondance attire aussi les convoitises. Selon une récente étude du Centre de surveillance de la biodiversité, 40 % des saisies nationales d’écailles de pangolin proviennent de ce département. Protéger la faune à Impfondo revient donc à adresser une problématique de portée régionale où s’entremêlent routes fluviales, frontières poreuses et pressions économiques.
Synergie institutionnelle et partenariats opérationnels
La célérité avec laquelle l’affaire a été instruite tient à la coopération entre forces de sécurité, magistrature et société civile. Le lieutenant-colonel Alain Okemba, commandant la compagnie de gendarmerie locale, rappelle que « l’échange d’informations avec les ONG spécialisées demeure déterminant pour documenter les filières ». Cette approche partenariale, encouragée par le ministère de l’Économie forestière, réduit le temps entre le flagrant délit et la comparution, rendant les poursuites plus efficaces.
Un trafic transcontinental aux ramifications complexes
Les enquêtes ouvertes laissent entrevoir des relais au-delà du Congo, vers des marchés asiatiques friands d’écailles de pangolin. Les peaux de panthère, quant à elles, alimentent une demande de produits de luxe et de parure. D’après le dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la valeur d’une seule peau peut atteindre dix mille dollars sur certaines places clandestines. En infligeant une sanction lourde, la justice congolaise vise ainsi à briser la rentabilité escomptée par les trafiquants.
Tensions entre impératifs environnementaux et réalités locales
Pour autant, la lutte contre la criminalité faunique ne saurait ignorer le contexte socio-économique. Dans plusieurs villages riverains, la chasse de subsistance constitue encore un complément de revenu. Le gouvernement, conscient de cet enjeu, promeut des alternatives fondées sur les chaînes de valeur forestière durable et l’écotourisme naissant. « La préservation doit s’accompagner d’opportunités tangibles pour les communautés », insiste l’économiste Cyrille Ngakala, consultant auprès de la Banque mondiale.
Sensibiliser une jeunesse connectée
À Brazzaville comme à Impfondo, les campagnes numériques de sensibilisation se multiplient. Vidéos courtes, podcasts en lingala et en sango, concours scolaires : les initiatives visent le public des 18-30 ans, acteur clé du changement de comportement. Les autorités éducatives y voient un levier pour faire émerger une conscience écologique nationale, en phase avec les objectifs du Plan national de développement 2022-2026.
Perspectives pour la gouvernance verte congolaise
En définitive, le dossier d’Impfondo a valeur de précédent. Il réaffirme la volonté de l’État congolais de traduire en actes ses engagements internationaux et de consolider l’État de droit. La répression n’est toutefois qu’un maillon : elle gagnera en efficacité si elle s’accompagne d’initiatives de développement local et d’une coopération judiciaire renforcée avec les pays voisins. À l’heure où la planète scrute les forêts du bassin du Congo, l’affaire rappelle que la conservation est aussi une affaire de souveraineté et de vision à long terme.