Premiers Jeux Africains Scolaires : enjeux régionaux
Du 26 juillet au 5 août 2025, l’Algérie a accueilli la première édition des Jeux africains scolaires, réunissant une cinquantaine de nations et autant de rêves. Pour le Congo, la rencontre a servi de révélateur, testant la profondeur d’un vivier souvent méconnu.
Seule une délégation de six athlètes, engagés en athlétisme, judo, gymnastique et taekwondo, a fait le voyage. Le chiffre semble modeste, pourtant il illustre une sélection serrée visant l’excellence plutôt que la quantité, expliquent les encadreurs techniques interrogés à Brazzaville.
Des pépites révélées à Alger
Le talent a répondu présent: quatre médailles, dont l’or de Gladise Boukama Ndoulou en longueur, ont placé le drapeau tricolore sous les projecteurs. Deux breloques de bronze en judo pour Symphoria Mankala et Divine Mpiaya Massala, plus un 200 m héroïque de Boukama Ndoulou, complètent l’escarcelle.
Aux abords du stade d’Alger, la jeune sauteuse confiait vouloir « servir de modèle aux collégiens de Pointe-Noire ». Son entraîneur, Georges Itoua, saluait « une génération déterminée, capable de transformer des séances parfois improvisées en podium continental ». Les sceptiques en sont restés bouche bée.
Une préparation artisanale mais victorieuse
Car la préparation est restée artisanale. Entre les salles de judo prêtées par les lycées et les pistes d’athlétisme terreuses, le quotidien des sélectionnés tranche avec les standards internationaux. Pourtant, aucun n’a renoncé, galvanisé par l’idée de représenter le pays au-delà des victoires scolaires habituelles.
« Nous avons compensé le manque d’équipements par la solidarité », résume la gymnaste Maëva Mouandza, réserviste. Ce discours d’entraide a séduit le public algérien et rappelé qu’en Afrique, la compétition nourrit souvent une fraternité transfrontalière. Les réseaux sociaux se sont vite emparés de ces images authentiques.
Le financement, clef de voûte du renouveau
Derrière l’exploit, la question budgétaire reste cruciale. Les fédérations scolaires fonctionnent avec des dotations limitées, dépendantes du partenariat public-privé. Le ministère des Sports évoque une enveloppe progressive, indexée sur les performances, tandis que plusieurs entreprises locales s’engagent déjà à parrainer les prochains stages.
Pour la directrice générale du sport scolaire, Nadège Oko, « un franc investi dans la jeunesse rapporte dix francs à la nation ». Elle insiste sur les retombées sociales: réduction du décrochage, rayonnement culturel, tourisme sportif. Les chiffres du Comité national olympique confirment cette dynamique ascendante depuis 2019.
L’État affine sa stratégie sportive
Interrogé à son retour, le ministre Hugues Ngouélondélé a salué « un signal fort pour l’horizon 2032 », référence aux Jeux olympiques de la jeunesse que Brazzaville ambitionne d’accueillir. Il annonce l’élaboration d’une stratégie multisport alignée sur le Plan national de développement.
Cette feuille de route, encore confidentielle, devrait renforcer la détection en milieu scolaire, structurer les ligues régionales et mutualiser les infrastructures. Des partenariats sont à l’étude avec la Chine et la Turquie pour moderniser deux centres techniques, sans oublier la réhabilitation du stade Alphonse-Massamba-Débat.
Clubs et écoles, la synergie recherchée
Les clubs universitaires, longtemps éclipsés, reviennent en lumière. L’Université Marien-Ngouabi prévoit d’ouvrir une filière sciences et techniques des activités physiques, avec un pôle haut niveau. Selon le recteur Étienne Moussounda, l’objectif est de lier recherche, performance et entrepreneuriat sportif.
Les provinces ne sont pas en reste. À Dolisie, la mairie a converti une ancienne halle commerciale en gymnase municipal, accessible gratuitement aux scolaires. Des initiatives similaires germent à Ouesso et Impfondo, portées par des associations locales et soutenues par des micro-crédits culturels.
Vers une gouvernance plus inclusive
Le Comité national olympique mise sur une gouvernance partagée. Un forum réunissant entraîneurs, artistes urbains et entrepreneurs créatifs est prévu en décembre. L’idée est de croiser finance participative, mécénat culturel et expertise technique pour bâtir un modèle durable, inspiré du dispositif « Team Kenya ».
Pour l’économiste du sport Noël Kimbembe, ce virage répond aux attentes d’une jeunesse connectée. « Les fans veulent voir des contenus, des coulisses, des playlists d’échauffement », explique-t-il. L’intégration des artistes rap et afrobeat aux animations d’avant-match crée déjà une esthétique singulière, promouvant l’identité congolaise.
La jeunesse congolaise, moteur culturel
Au-delà des pistes et tatamis, ces Jeux réhabilitent le sport comme fait culturel. Les exploits des lycéens nourrissent les conversations sur TikTok autant que les refrains de Passi. La performance devient récit, amplifié par des créateurs de contenus qui se rêvent commentateurs officiels demain.
La diaspora suit également. Des influenceuses installées à Abidjan ou Paris ont relayé, en direct, la finale du saut en longueur via des lives improvisés. Chaque bond de Gladise s’est transformé en GIF viral, symbole d’une nation fière et connectée, prête à fédérer ses talents.
Objectif Accra 2026 et au-delà
Prochaine étape, les Jeux africains scolaires 2026 prévus à Accra. Les techniciens congolais envisagent déjà d’élargir la sélection à douze disciplines, dont l’escrime et le rugby à sept. Un calendrier de compétitions nationales sera présenté dès février pour garantir un volume d’épreuves suffisant.
À moyen terme, le pays veut hisser son indice de performance continentale dans le Top 10. Les succès d’Alger montrent que l’objectif est atteignable si le triptyque formation-infrastructures-financement reste cohérent. La jeunesse, elle, a déjà pris date, confiante dans l’élan collectif désormais enclenché.