Pointe-Noire prépare une fête XXL
À trois jours du 15 août, Pointe-Noire vibre déjà au rythme des tambours. Les stands se montent le long de l’avenue Charles-de-Gaulle, tandis que les peintres décorent les palissades aux couleurs nationales. La ville veut offrir un 65ᵉ anniversaire mémorable de l’indépendance.
Dans les artères du centre, on voit s’affairer les brigades de balayage, des ouvriers tirant des guirlandes lumineuses et des bénévoles repeignant les passages piétons. Les hôtels affichent complet, signe d’un afflux attendu de visiteurs venus de tout le littoral.
Le préfet, Pierre Cébert Ibocko-Onangha, a balayé les doutes relayés sur les réseaux sociaux. « Le défilé aura bel et bien lieu », a-t-il assuré, invitant les Ponténégrins à « garder le calme et à privilégier le vivre-ensemble ».
Nommé en février, le préfet voit dans cet événement son premier grand rendez-vous public. Son équipe promet « un spectacle inclusif, tourné vers l’avenir », dans la droite ligne des festivités organisées simultanément à Brazzaville et dans la Sangha.
Un défilé civil haut en couleur
Des élèves, des ouvriers, des commerçantes et même des clubs sportifs défileront côte à côte, rupture assumée avec les protocoles stricts d’autrefois. Les chorégraphies ont été répétées depuis juillet sur l’esplanade de la gare, sous l’œil exigeant d’instructeurs militaires détachés.
Le comité d’organisation a souhaité mettre à l’honneur la diversité culturelle du Kouilou. On attend les pêcheurs vili en pirogue symbolique, les chorales kongo, mais aussi une délégation de jeunes réfugiés centrafricains résidant à Ngoyo, signe d’une ville résolument ouverte.
Les chercheurs de l’Institut National des Arts et de la Culture voient dans ce format populaire un trait d’union entre cérémonial républicain et carnaval urbain. « C’est un laboratoire de citoyenneté », analyse le politiste Marcel Mabiala, auteur d’une étude sur les fêtes d’indépendance.
À 9 heures précises, les porte-drapeaux lanceront la marche depuis la place de la République jusqu’à l’hôtel de la préfecture. Le parcours de deux kilomètres sera ponctué de tableaux vivants retraçant les grandes dates de la lutte anticoloniale.
La création artistique au cœur du cortège
C’est le scénographe Jonas Mavoungou, formé à Ouagadougou, qui a conçu la grande tribune. Construit en bambou local et filets de pêche recyclés, l’ouvrage évoque l’océan et rappelle l’importance du port autonome dans l’économie congolaise.
Une fresque vivante, composée de 200 collégiens, reproduira les courbes du fleuve Kouilou sous des tissus bleus. Le chorégraphe explique vouloir « faire danser la géographie » et apporter un souffle écologique au récit national, sans discours didactique.
Pour la musique, l’Orchestre Symphonique de Pointe-Noire s’alliera au groupe de rumba Bana Moyo. Les répétitions nocturnes, suivies par des badauds enthousiastes, témoignent d’une fusion rare entre cordes classiques et guitares électroniques, clin d’œil à la modernité revendiquée par la jeunesse.
Un collectif de graffeurs peindra en direct une toile de vingt mètres célébrant les figures de l’indépendance. L’œuvre sera ensuite exposée au Musée Cercle Africain, prolongeant la dimension patrimoniale de la journée.
Organisation et sécurité maîtrisées
Les équipes logistiques ont prévu mille chaises pour les anciens combattants et un dispositif d’accès facilité pour les personnes à mobilité réduite. Les artisans locaux ont fabriqué des rampes en bois d’iroko, preuve d’une attention nouvelle portée à l’inclusion.
Au chapitre sanitaire, des points de lavage des mains jalonneront le parcours et trois postes de secours seront tenus par la Croix-Rouge. « Nous voulons une célébration festive mais responsable », insiste le docteur Arsène Obambé, chef du comité santé.
Le transport public fonctionnera en service renforcé dès l’aube. Les chauffeurs de taxi-bus ont été sensibilisés à appliquer un tarif unique, afin d’éviter les hausses improvisées qui ternissent souvent les grands rendez-vous. La police de la circulation contrôlera les principaux carrefours.
La mairie table sur des retombées économiques de 500 millions de francs CFA pour le commerce local. Restaurants, couturières et chauffeurs de mototaxis ont multiplié les embauches temporaires, espérant transformer l’élan patriotique en dynamisme entrepreneurial.
Un symbole de cohésion et d’avenir
La célébration s’inscrit dans le mot d’ordre national, « Mobilisés dans la paix, poursuivons la marche vers le développement ». Le slogan, visible sur les banderoles, rappelle que le défilé n’est pas qu’un rite mémoriel : il veut projeter la nation vers l’émergence.
Selon la sociologue Diane Bouity, ces grandes messes civiques « nourrissent le sentiment d’appartenance, surtout chez les jeunes nés bien après 1960 ». Elle souligne que les réseaux sociaux pourraient amplifier l’événement, à condition que les images officielles soient partagées rapidement.
Après le défilé, la pelouse de la préfecture accueillera un concert gratuit réunissant Afara Tsena, Zandolia et plusieurs DJs émergents. Les organisateurs espèrent prolonger la fête jusqu’au crépuscule, dans un esprit de fraternité qui dépasse les clivages congo-brazzavillois.
Le 65ᵉ anniversaire rappelle que Pointe-Noire accueillit, en 1959, l’un des derniers congrès avant la proclamation de 1960. Des vétérans seront mis à l’honneur, témoins vivants d’une page d’histoire que la jeune génération redécouvre avec fierté.