Lois avant-gardistes pour les communautés autochtones
Instituée en 1994 par les Nations unies, la Journée internationale des peuples autochtones offre chaque 9 août une tribune mondiale aux voix longtemps reléguées aux marges. À Brazzaville, le ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion des peuples autochtones, Aimé Ange Wilfrid Bininga, n’a pas manqué de rappeler que la République du Congo fut, dès 2011, l’un des premiers États africains à se doter d’une loi spécifique consacrée à ces populations. Ce cadre, décrit comme « un jalon fondateur de notre modernité juridique », garantit l’accès à l’éducation, à la santé et à l’état civil, tout en réprimant la stigmatisation encore vécue par certains groupes pygmées.
L’impulsion présidentielle, largement saluée lors du premier Congrès mondial des peuples autochtones des bassins forestiers réuni en mai à Brazzaville, s’inscrit dans une logique de diplomatie environnementale. La Déclaration de Brazzaville, issue de ce conclave, circule désormais comme référence pour les négociations climatiques, preuve que la norme congolaise, loin d’être cosmétique, aspire à devenir un standard continental.
IA responsable et valorisation des savoirs traditionnels
Le thème choisi par l’ONU en 2025, « Les peuples autochtones et l’intelligence artificielle : défendre les droits, façonner l’avenir », résonne avec l’agenda numérique national. « L’intelligence artificielle ne doit pas être seulement surveillée ; elle doit être construite avec et pour les peuples autochtones », a martelé le ministre. D’où un triptyque d’actions : extension de la connectivité dans les zones forestières, formation de la jeunesse autochtone aux codes informatiques et accompagnement des chercheurs du Centre africain de recherche sur l’intelligence artificielle pour développer des interfaces vocales en langues téké ou mbéti.
Cette convergence entre algorithmes et savoirs forestiers se veut prudente. Le gouvernement insiste sur la nécessité de corriger d’éventuels biais discriminatoires et de protéger la propriété intellectuelle collective des communautés. La jurisprudence congolaise envisage déjà des licences culturelles qui permettraient aux détenteurs de rites ou de pharmacopées d’être rétribués lorsque leurs connaissances inspirent un brevet biomédical ou un modèle prédictif.
Une diplomatie culturelle enracinée dans la forêt
Au-delà des cercles institutionnels, l’année 2025 verra la tenue d’ateliers itinérants, du Kouilou jusqu’à la Likouala, destinés à raconter la cosmologie pygmée aux ingénieurs et vice-versa. « Construisons ensemble une société inclusive, respectueuse de sa diversité et résolument tournée vers l’avenir », a plaidé Aimé Ange Wilfrid Bininga, reprenant le credo présidentiel d’un Congo uni dans la modernité. Ces rencontres, annoncées comme des laboratoires d’écriture algorithmiques collectives, devront convaincre qu’il est possible de coder sans effacer les tambours ngoma.
Si des défis persistent — accès aux services sociaux de base, préservation des langues menacées, lutte contre certaines formes de marginalisation —, l’approche congolaise se distingue par un optimisme méthodique. En plaçant la culture autochtone au cœur d’une révolution numérique maîtrisée, Brazzaville trace une voie où la canopée dialogue avec la siliconisation du monde, démontrant qu’un État forestier peut aussi être un incubateur de technologies éthiques.