Brazzaville, épicentre sonore africain
Dès les premières lueurs du 19 juillet 2025, l’esplanade du Palais des congrès s’est muée en agora vibrante où convergent professionnels de la scène et curieux venus des deux rives du fleuve Congo. Au-delà de l’argument touristique, la capitale congolaise se positionne comme l’un des rares espaces urbains subsahariens capables de fédérer en un même lieu les patrimoines musicaux de vingt-huit nations africaines. L’ampleur logistique déployée illustre l’ambition de positionner Brazzaville parmi les capitales culturelles de référence, ambition déjà formulée dans le plan national de développement culturel 2022-2026.
Un protocole hautement symbolique
La présence du chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, à la cérémonie inaugurale n’est pas qu’une formalité républicaine. Elle réaffirme la volonté politique de faire de la culture un vecteur d’influence douce et de cohésion nationale. Au pupitre, le maire Dieudonné Bantsimba a rappelé « la nécessité de protéger les épicentres de créativité contre les soubresauts économiques », tandis que la représentante résidente de l’UNESCO, Fatoumata Barry Marega, saluait « une démonstration tangible du multilatéralisme culturel » (allocutions du 19 juillet 2025). Les applaudissements nourris traduisent une adhésion du public à cette diplomatie de la scène.
Des performances qui transcendent les coupes budgétaires
Il aura suffi du premier roulement de tambour des ballets traditionnels congolais pour que les considérations macroéconomiques s’estompent. Sous la houlette du directeur artistique, le Palais des congrès s’est métamorphosé en kaléidoscope vivant : danses initiatiques Kongo, masques Béninois, kora mandingue et riffs d’Afro-rock se sont succédé sans temps mort. La troupe Nzango Ensemble a captivé grâce à une relecture contemporaine d’une danse rituelle autrefois réservée aux cérémonies de fertilité, tandis que le collectif AfroBeat Connection a prouvé que les syncopes yoruba dialoguent naturellement avec les textures électroniques.
Résonances sociopolitiques d’un festival résilient
Derrière l’exubérance scénique, les artistes interrogent la place de la création dans des économies émergentes. Certains musiciens, interrogés en marge des répétitions, évoquent la flambée des coûts de transport et la raréfaction des mécènes privés. Pourtant, l’engagement du gouvernement congolais à maintenir le FESPAM malgré la conjoncture sert de bouclier symbolique : il s’agit de signifier que la culture n’est pas une variable d’ajustement, mais un capital immatériel stratégique. Pour les jeunes festivaliers, cet argument prend une dimension concrète : nombre d’entre eux voient dans le festival l’unique vitrine susceptible d’attirer des programmateurs internationaux.
Vers une diplomatie culturelle renouvelée
Les corridors du Palais bruissent de discussions multilingues où se négocient des tournées, des résidences et des coproductions. Dans les couloirs, la ministre Marie-France Lydie Hélène Pongault confiait espérer « un effet démultiplicateur sur les industries créatives régionales ». La présence de délégations venues du Cameroun, du Mali ou encore de la Côte d’Ivoire inscrit Brazzaville dans une cartographie de coopération Sud-Sud. Les partenaires institutionnels, tels que la Banque de développement des États de l’Afrique centrale, observent de près la capacité du FESPAM à générer des retombées économiques mesurables via le tourisme culturel.
Perspectives post-FESPAM : héritages et défis
Lorsque les projecteurs s’éteindront, demeurera la question de la pérennisation des dynamiques amorcées. Les organisateurs envisagent de prolonger l’effervescence par des ateliers permanents de formation musicale, destinés à professionnaliser une nouvelle génération d’instrumentistes et de techniciens du spectacle vivant. Reste l’enjeu de la circulation des œuvres à l’intérieur du continent : sans l’amélioration du réseau aérien et la baisse des coûts logistiques, l’unité culturelle prêchée sur scène risque de se diluer. Mais l’ouverture flamboyante de cette 12ᵉ édition laisse entrevoir un horizon dans lequel Brazzaville, forte d’un positionnement géopolitique stable, pourrait s’imposer durablement comme la plaque tournante d’une Afrique qui s’écoute et se raconte elle-même.