Brazzaville illumine l’ouverture du Fespam
Sous les voûtes aérées du Palais des Congrès, la République du Congo a officiellement levé le rideau sur la douzième édition du Festival panafricain de musique (Fespam), programmé du 19 au 26 juillet. L’événement, soutenu par les plus hautes autorités du pays, entend célébrer les esthétiques sonores du continent et consolider la place de Brazzaville en tant que « capitale mondiale de la rumba ». La présence d’une délégation de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) confère à cette édition un relief diplomatique particulier.
Une délégation onusienne en phase avec la priorité Afrique
La doctrine « Priorité Afrique » de l’Unesco trouve au Fespam un terrain d’application tangible. Fatoumata Barry Marega, en résidence au Congo, a porté la voix de l’institution sur place, tandis que la directrice générale Audrey Azoulay est intervenue par message vidéo depuis Paris pour saluer « l’engagement constant des autorités congolaises en faveur de la diversité culturelle ». Pour l’Organisation, la musique constitue un langage universel susceptible de faire dialoguer les peuples au-delà des clivages linguistiques, un plaidoyer largement repris dans les communications officielles.
Hommage appuyé à Amadou Bagayoko
Moment d’émotion, le discours inaugural a rendu hommage au guitariste et compositeur malien Amadou Bagayoko, figure du duo Amadou & Mariam, disparu en avril dernier. « Sa créativité aura traversé les frontières, rappelant combien l’Afrique innove lorsqu’elle accorde ses instruments », a souligné Audrey Azoulay. Ce salut posthume, relayé par l’ensemble des délégations, symbolise la vocation mémorielle du festival : rendre visibles les artisans d’une identité sonore partagée.
La rumba congolaise, étendard patrimonial
Depuis son inscription en 2021 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, la rumba congolaise s’est imposée comme étendard diplomatique du Congo. La reconnaissance, à laquelle contribua Firmin Édouard Matoko alors sous-directeur général de l’Unesco chargé de la priorité Afrique, a généré un regain d’intérêt international pour ce genre né entre les deux rives du fleuve Congo. Aujourd’hui, ateliers, classes de maître et concerts pédagogiques émaillent la semaine du Fespam, mettant en avant les vertus éducatives et économiques de la rumba.
Firmin Édouard Matoko, parcours d’un candidat à la direction générale
Présent à Brazzaville, Firmin Édouard Matoko a été accueilli avec chaleur par les participants. Sa candidature déclarée à la tête de l’Unesco ouvre une page inédite pour l’Afrique centrale. Interrogé en marge d’un panel, l’intéressé a plaidé pour « une organisation qui renforce les industries culturelles africaines et leurs réseaux de diffusion », rappelant que la culture représente plus de 3 % du PIB mondial selon l’institution. Les observateurs notent que sa participation au Fespam sert de vitrine à une vision axée sur la diplomatie culturelle et l’économie créative.
Le Congo, carrefour stratégique de la diplomatie musicale
Au-delà des festivités, le Fespam s’impose comme forum d’échanges régionaux. Les ministres de la Culture du Cameroun, du Ghana et d’Afrique du Sud ont successivement salué l’initiative congolaise, évoquant de futures coproductions et des tournées croisées. Selon le comité d’organisation, plus de 3 000 artistes et professionnels circuleront dans la capitale durant la semaine, générant un impact économique direct évalué à près de deux milliards de francs CFA. Ces chiffres, bien qu’estimatifs, illustrent l’enjeu stratégique pour Brazzaville, désireuse d’asseoir son soft power sur le continent.
Perspectives et héritage d’une édition charnière
À la faveur d’une programmation éclectique – de la kora sénégalaise au coupé-décalé ivoirien – la douzième édition du Fespam ambitionne d’inscrire durablement la musique africaine sur les scènes internationales. Les tables rondes sur la numérisation des catalogues, le renforcement de la protection des droits voisins et la structuration des marchés régionaux témoigneront de cette volonté d’avenir. Pour l’Unesco, l’enjeu consiste désormais à maintenir l’élan observé à Brazzaville afin de transformer les vibrations festives en politiques culturelles pérennes.
Une scène où se conjuguent art et diplomatie
L’alliance entre l’Unesco et le Congo illustre la convergence des intérêts artistiques et diplomatiques : d’une part, la valorisation du patrimoine musical ; de l’autre, la visibilité internationale d’un État hôte soucieux de promouvoir son image de stabilité et de créativité. Au terme de cette semaine foisonnante, musiciens et décideurs semblent partager un constat : la musique, loin d’être un simple divertissement, demeure une clef de lecture incontournable pour comprendre les dynamiques culturelles et politiques contemporaines du continent.