Vers une fédération apaisée ?
Le handball congolais vit un épisode décisif depuis que le duel entre l’ancienne internationale Linda Ambroisine Noumazalayi Ebendzé et le dirigeant Avicenne Cléoface Nzikou Bigoundou a remplacé l’ère de Yann Ayessa Ndinga Yengué, président sortant depuis 2016.
La Commission électorale indépendante, présidée par l’avocat tunisien Mouadh Ben Zaied, n’a validé que la liste portée par Mme Noumazalayi, estimant incomplets les dossiers de quatre colistiers d’Avicenne Nzikou. L’annonce a éclaté comme un coup de tonnerre dans les cercles sportifs de Brazzaville.
Officiellement, le dépôt des candidatures est clos, et l’assemblée générale élective est programmée pour le 16 août 2025. Pourtant, l’affaire est loin d’être tranchée, car l’équipe Nzikou multiplie les démarches contentieuses pour retarder, voire faire annuler, ce scrutin très attendu.
Un duel de projets sportifs
Dans le camp Noumazalayi, l’argument central repose sur l’expérience d’ancienne joueuse de la sélection nationale et sur un programme axé sur la formation des jeunes, le renforcement de la filière féminine et la réhabilitation des infrastructures des départements.
Face à elle, Avicenne Nzikou, président de la Ligue de Brazzaville, insiste sur la gouvernance et sur l’équité budgétaire entre clubs. Il dénonce depuis des mois un appareil fédéral jugé opaque, même si aucun audit indépendant n’a officiellement confirmé ses soupçons.
Les deux visions traduisent un débat plus large au sein du sport congolais : comment conjuguer résultats continentaux, développement local et autonomie financière sans perdre le soutien institutionnel qui permet de sécuriser des budgets souvent dépendants des subventions publiques ou para-publiques.
La décision contestée de la CEI
Le 13 août dernier, la CEI a publié sa liste définitive de candidatures. Sur les deux dossiers déposés, seul celui de Linda Noumazalayi a été déclaré conforme, les pièces manquantes concernant quatre membres de l’autre équipe étant jugées rédhibitoires par les commissaires électoraux.
Joint par nos soins, maître Ben Zaied défend la stricte application du code électoral : « Nous avons laissé un délai supplémentaire de quarante-huit heures. Les documents n’ont pas été fournis. Nous ne pouvions pas créer un précédent dangereux pour la régularité future des scrutins », explique-t-il.
L’entourage d’Avicenne Nzikou évoque pourtant un changement de procédure à la dernière minute et soupçonne une lecture à géométrie variable du règlement. Pour le camp Noumazalayi, la réalité est plus simple : se préparer tôt et respecter les délais établis.
Les recours devant la justice sportive
Au lendemain de la décision, l’avocat Me Eric Bouanga a saisi la Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport pour demander la suspension de l’assemblée. Il invoque l’urgence, affirmant que la CEI aurait outrepassé son mandat en statuant avant l’audience judiciaire.
Le premier examen du dossier, le 13 août, s’est soldé par un renvoi, le représentant du Comité national olympique n’ayant pas eu le temps d’étudier les pièces. Trente-six heures plus tard, la chambre a estimé qu’il n’y avait pas matière à référé.
Me Bouanga a immédiatement déposé une nouvelle requête, cette fois en s’appuyant sur l’article 15 des statuts fédéraux qui prévoit la possibilité d’un scrutin à bulletin secret même avec un seul candidat, pour soutenir que le calendrier n’offre pas assez de garanties de pluralisme.
Enjeux pour le handball congolais
Depuis la médaille de bronze des Diables-Rouges à la CAN 2018 féminine, la discipline peine à maintenir son élan. Les clubs ne se qualifient plus pour les Coupes d’Afrique, et plusieurs joueuses prometteuses ont migré vers des championnats voisins faute de perspectives nationales.
Les sponsors, eux, regardent avec attention la capacité de la future équipe dirigeante à proposer un plan marketing solide. « Sans audience télévisée et sans narration convaincante, nous aurons du mal à investir », confie le responsable d’une société de télécoms partenaire du championnat.
Ainsi, au-delà de la controverse procédurale, l’enjeu réel touche l’avenir de centaines de jeunes athlètes. À Pointe-Noire comme à Owando, les centres de formation attendent des équipements et des compétitions régulières pour éviter la fuite de talents vers le football ou l’athlétisme.
Quel calendrier pour le vote ?
Si la nouvelle requête n’aboutit pas, l’assemblée devrait se tenir le 16 août sous l’égide d’un observateur de la Confédération africaine de handball. Conformément aux statuts, les clubs votants devront atteindre le quorum, faute de quoi un second tour sera convoqué.
Dans l’hypothèse, plus probable, où Linda Noumazalayi serait élue à main levée, sa première mesure annoncée reste la négociation d’un partenariat public-privé pour rénover le Palais des Sports de Kintélé et accueillir le prochain tournoi zonal U-20 en 2026.
Regards d’observateurs africains
Analyste pour la chaîne panafricaine Sport24, la Camerounaise Edda Fofang résume l’instant : « Le Congo dispose d’un vivier exceptionnel et d’une notoriété historique. Cette élection est l’occasion de redéfinir une stratégie régionale. Le continent regarde, car un handball fort à Brazzaville profite à toute la zone centrale. »
En coulisse, tous s’accordent à dire que le vrai gagnant devra être le terrain.