Brazzaville fête l’endurance
Le 14 août 2025, le boulevard Alfred Raoul s’est transformé en une longue ligne rythmique où tambours, vuvuzelas et foulées cadencées ont fusionné. Sous un soleil généreux, le Semi-Marathon International de Brazzaville a lancé le signal d’une nouvelle saison de performances et d’espoir sportif.
Le président Denis Sassou Nguesso a donné le départ, rappelant que le sport « unit les cœurs autant que les drapeaux ». Les travées remplies d’écoliers, d’artistes et de familles célébraient simultanément l’indépendance nationale, offrant une atmosphère mêlant communion citoyenne et compétitivité de haut niveau.
Partenaire fidèle, la Société Nationale des Pétroles du Congo a installé des arches de ravitaillement et un village congrès où nutritionnistes, labels musicaux et start-up créatives dialoguaient. « Un semi-marathon n’est plus seulement un défi chronométrique, c’est une plateforme culturelle », confie Sandra Boum, coordinatrice de l’événement.
Une championne façonnée à Oyo
Au milieu de l’élite africaine, Ladélice Matoumbissa, 23 ans, a filé comme une métronome. Licenciée à l’AS Otohô, club multidisciplinaire d’Oyo, la sprinteuse convertie au fond a bâti son endurance sur les pistes sablonneuses de la Cuvette, « où chaque tour sent le fleuve », aime-t-elle dire.
Son entraîneur, Michel Nganga, raconte des séances à l’aube décorées de chants de batteurs. « Ladélice sait écouter son corps et la nature », souligne-t-il. Cette connexion sensorielle l’a guidée jusqu’à l’or national, premier titre majeur d’une carrière que beaucoup pressentent ascendante.
La jeune femme a coupé la ligne en 1 h 10 min 22 s, record personnel. Seule la Kenyane Faith Wanjiru l’a devancée au classement général. Pourtant, la Congolaise n’a jamais semblé sous pression, remerciant le public à chaque kilomètre, un geste qui rappelle l’éthique d’effort partagée par l’équipe nationale.
Un podium qui inspire la relève
À peine la médaille posée, Matoumbissa a adressé un message aux écoles sportives : « Persévérez, car le chrono n’est qu’un miroir de votre rigueur ». Les jeunes spectateurs installés près du Palais des Congrès ont scandé son prénom, prélude à une séance d’autographes improvisée.
Pour le directeur technique national, Auguste Mambou, ce succès féminise l’image du demi-fond congolais. « Nous disposons d’un vivier de 600 licenciées. Avec un tel exemple, nous pouvons doubler ce chiffre en deux saisons », assure-t-il, soulignant la volonté fédérale de mailler le territoire en pistes d’entraînement normalisées.
Les influenceurs culturels, de la rappeuse Yekima au designer K’Mata, ont également embrassé l’exploit, fusionnant leurs réseaux pour diffuser des montages célébrant l’allure de la championne. L’athlétisme entre ainsi dans le champ pop, reflet d’une jeunesse mobile et interconnectée.
Sport, culture et unité nationale
Le parcours traversait des lieux emblématiques : la fresque de la Paix, la Bibliothèque nationale, puis le mémorial Pierre Savorgnan de Brazza. Chaque segment offrait une scène musicale live, mélange de rumba, de trap et de fanfares militaires, prouvant que la ville célèbre l’effort en note majeure.
Les décideurs économiques voient dans ce rendez-vous un catalyseur touristique. Selon l’Office national du tourisme, 4 300 visiteurs étrangers ont prolongé leur séjour pour explorer les musées et les ateliers d’art. « Brazzaville s’illustre comme capitale créative en Afrique centrale », analyse l’économiste Aurélien Dima.
L’événement a également servi de laboratoire à la nouvelle application mobile « Kilomètre Vert » qui calcule les émissions évitées grâce au transport à vélo. Le ministère des Sports, associé à celui de l’Environnement, envisage d’en faire un outil permanent pour les manifestations futures.
Perspectives pour l’athlétisme congolais
Au-delà de l’adrénaline, la fédération projette un circuit national de cinq semi-marathons d’ici 2027, afin de préparer les Jeux Africains. La structure viserait une homologation World Athletics, garantissant l’arrivée d’athlètes internationaux et l’amélioration des infrastructures locales.
Les autorités éducatives planchent sur l’introduction d’une option « culture sportive » au baccalauréat. L’idée est d’encourager la recherche en physiologie et en management d’événements tout en valorisant la créativité. « Une médaille ouvre parfois plus de portes qu’un long discours », soutient la sociologue Élise Oba.
Pour Ladélice Matoumbissa, l’agenda s’annonce dense : meeting de Dakar en octobre, stage d’altitude à Iten, puis championnats d’Afrique 2026. La coureuse résume son objectif avec sérénité : « Le chrono descendra si la passion reste haute ». Un mantra qui résonne déjà au-delà des frontières.