Un dispositif normatif attendu
En publiant les décrets 2025-128 et 2025-129, le ministère en charge des Sports franchit une étape décisive dans la mise en musique de la loi n°23-2023 du 27 juillet 2023. La présentation officielle, le 7 juillet 2025 dans l’enceinte du Stade Alphonse-Massamba-Débat, a réuni le directeur général des sports Jean Robert Bindélé, l’inspecteur général Charles Dinga et le directeur des activités sportives Gim Clore Samba-Samba. Tous trois ont souligné que le vide réglementaire observé depuis l’adoption du Code du sport constituait un frein à la stabilisation des fédérations et à la visibilité internationale des athlètes. « Nous disposons désormais d’un référentiel commun qui sécurise l’ensemble de la chaîne de valeur sportive », a résumé Jean Robert Bindélé (Agence Congolaise de Presse, 7 juillet 2025).
Éthique, un socle clarifié
Le décret 2025-128 consacre pour la première fois un code d’éthique à portée transversale couvrant officiels, entraîneurs et athlètes. Ses principes – respect des règlements, des adversaires et du fair-play – apparaissent classiques, mais leur inscription dans un texte contraignant rompt avec une tradition de recommandations morales non opposables. Le législateur congolais emprunte à la jurisprudence du Comité international olympique la notion d’égalité des chances, tout en y adjoignant la « moralité » de l’athlète, critère déjà présent dans certains États africains où le sport est considéré comme vitrine de la nation. Pour le chercheur Guy-André Ngassaki, spécialiste de gouvernance sportive, « l’État réaffirme que la performance demeure indissociable d’un comportement exemplaire, ce qui répond aux attentes sociétales en matière de probité ». L’intégration de sanctions, graduées jusqu’à l’exclusion, vise à responsabiliser les acteurs et à prévenir les dérives qui ont entaché plusieurs compétitions régionales ces dernières années.
Sélection nationale, transparence et méritocratie
Le décret 2025-129 encadre, quant à lui, les modalités d’accès à la sélection nationale. Seuls les athlètes de haut niveau, de nationalité congolaise, pourront être convoqués, sur la base de leurs performances et de leur moralité. Cette double exigence consacre un principe de méritocratie tout en instaurant un filtre éthique, perçu par certains observateurs comme un moyen d’écarter les polémiques liées aux naturalisations sportives express. Le texte confère également un rôle renforcé aux sélectionneurs, dont les décisions devront être publiées et motivées. Cette transparence, déjà pratiquée dans le handball et l’athlétisme congolais, pourrait s’étendre à l’ensemble des disciplines, alimentant un climat de confiance entre la base et l’encadrement technique.
Primes, incitations et responsabilité budgétaire
La question des primes constituait un angle mort récurrent des politiques sportives. Le décret distingue désormais les gratifications liées aux résultats collectifs – match nul, victoire, qualification – et les primes de médaille pour les sports individuels, modulées selon le métal conquis. En cas de défaite, aucune prime n’est prévue, marquant un tournant par rapport aux pratiques passées où des enveloppes symboliques étaient parfois allouées pour préserver la motivation. Pour le staff technique, le texte institue une nomenclature exhaustive : entraîneurs, préparateurs physiques et mentaux, analystes vidéo, médecins, diététiciens ou encore kinésithérapeutes peuvent prétendre à une rétribution indexée sur la performance globale. Le ministre demeure toutefois libre d’ajouter des « personnalités » lorsqu’un enjeu stratégique le justifie, ce qui offre une flexibilité compatible avec la réalité évolutive du sport de haut niveau tout en préservant la soutenabilité des finances publiques.
Gouvernance sportive et rayonnement international
Au-delà de la logistique des compétitions, les deux décrets participent d’une diplomatie du sport que le Congo-Brazzaville déploie avec constance depuis la mémorable organisation des Jeux africains de 2015. En formalisant la sélection et la récompense, l’exécutif cherche à accroître l’attractivité du maillot national, facteur d’unité interne et de visibilité extérieure. Les récentes performances des Diables Rouges en football féminin, saluées lors de la Coupe de l’Union des fédérations d’Afrique centrale, confirment que la stabilité règlementaire favorise l’émergence de trajectoires remarquées. Dans un contexte où la concurrence continentale s’intensifie, la capacité d’un État à garantir un environnement sportif prévisible devient un atout décisif pour retenir ses talents face aux sollicitations étrangères.
Perspectives et défis de l’application
La publication d’un cadre normatif ne vaut pas encore mise en œuvre. Il appartiendra aux fédérations nationales d’intégrer les nouvelles dispositions dans leurs statuts et de former leurs cadres aux procédures d’évaluation éthique. L’Observatoire congolais du sport, créé en 2024, devrait jouer un rôle de vigie, tandis que les partenaires privés, sponsors ou diffuseurs, seront attentifs à la lisibilité du système d’incitations. Les chantiers à venir incluent la digitalisation des dossiers de sélection, la mise en place d’une plateforme de suivi des primes et l’accompagnement psychosocial des jeunes athlètes afin de prévenir les désillusions liées à la forte compétitivité. Le ministère a d’ores et déjà annoncé la tenue d’ateliers régionaux de vulgarisation pour s’assurer que la réforme, ambitieuse sur le papier, irrigue réellement les terrains d’entraînement et les salles omnisports des départements.