Le choix des 25 : une alchimie patiente
Le sélectionneur national Barthélémy Ngatsono a mis fin au suspense en dévoilant, lors d’une conférence de presse à Brazzaville, les 25 noms retenus pour le Championnat d’Afrique des nations TotalEnergies 2024. Depuis le 28 juin, l’encadrement technique travaillait avec 28 professionnels du championnat local, soumis à un calendrier de préparation exigeant alternant séances tactiques matinales et confrontations amicales contre les académies de la capitale. « Il ne s’agissait pas de distribuer des places d’honneur, mais de bâtir un collectif apte à endurer six matches intenses en moins de quatre semaines », a résumé le technicien, saluant « le sens du sacrifice » de ceux qui rejoignent la réserve.
Dans la logique d’une compétition réservée aux joueurs évoluant sur le continent, le staff a privilégié la régularité statistique : temps de jeu supérieur à 85 % dans leurs clubs, polyvalence sur plusieurs schémas, et état de forme validé par le service médical de la Fédération congolaise de football (Fécofoot). Les trois recalés, dont les noms ont été tenus à l’écart des micros, ont salué « une décision professionnelle et argumentée », illustrant la maturité d’un vestiaire désormais convaincu que la performance collective prime sur les destins individuels.
Un groupe D aux allures de sommet continental
Le tirage au sort a placé le Congo face au Sénégal, au Nigéria et au Soudan, trois nations à l’ADN footballistique reconnu. La première opposition, fixée au 5 août contre les Crocodiles du Nil au Amaan Stadium de Zanzibar, aura valeur de test psychologique. « Entrer avec trois points, c’est se donner de l’oxygène avant les chocs contre les Lions de la Teranga et les Super Eagles », explique le statisticien Georges Mabiala, rappelant que les Congolais n’ont encaissé qu’un but lors de leurs deux dernières confrontations face au Soudan.
Le Sénégal, tenant du titre, arrive auréolé d’une génération habituée aux joutes continentales, tandis que le Nigéria, en pleine reconstruction depuis sa non-qualification à la Coupe du monde 2022, voit dans le Chan l’opportunité de relancer sa filière locale. Conscient de cet environnement, Ngatsono mise sur « une discipline tactique sans faille et la capacité à se projeter rapidement ». Les séances vidéo, conduites par l’ancien international Rolf Ndzana, ont disséqué chaque système adverse, du 4-3-3 sénégalais au 3-5-2 nigérian, afin d’anticiper les temps forts et les phases de transition.
Objectif demi-finale : réalisme et panache
Le Congo dispute sa cinquième phase finale après 2014, 2018, 2021 et 2023, éditions lors desquelles les quarts de finale ont agi comme plafond de verre. Les dirigeants de la Fécofoot, tout en rappelant que « le football reste imprévisible », ciblent désormais le dernier carré, synonyme de visibilité accrue pour le championnat national et de retombées économiques directes : droits télévisuels, partenariats et valorisation des joueurs. « Chaque victoire au Chan se mesure aussi en bourses d’études sportives et en transferts maîtrisés », souligne Paul-André Ngoma, conseiller au ministère des Sports.
Sur le plan sportif, l’équipe capitalise sur un axe central rodé : le portier Thierry Ngoyila, capitaine au verbe fédérateur, l’indéboulonnable stoppeur Junior Boukadia, et le milieu défensif Paterne Ndzoukou, réputé pour ses relances propres. L’animation offensive reposera sur la créativité de Prince Mampouya, meilleur passeur de la saison domestique, et sur la vélocité du jeune ailier Saphir Mouandza, dont les déboulés rappellent, pour certains observateurs, les débuts de Fabrice Ondama.
Le Chan, vitrine stratégique du football africain
Institué en 2009, le Championnat d’Afrique des nations répond à une logique distinctive : promouvoir les talents évoluant sur le continent, renforcer l’attractivité des ligues locales et consolider les coopérations sportives intrarégionales. La République démocratique du Congo et le Maroc, doubles lauréats, démontrent qu’un succès au Chan peut précéder une montée en puissance des clubs domestiques en compétitions interclubs de la CAF. Pour Brazzaville, la participation régulière reflète un engagement institutionnel constant en faveur de la jeunesse et du sport ; engagement encore conforté par la rénovation récente du complexe sportif de Kintélé, site d’entraînement principal des Diables rouges A’.
Le calendrier itinérant 2024 – Nairobi, Dar es-Salaam, Zanzibar, Kampala – rappelle par ailleurs la dimension diplomatique d’un tel tournoi. En suivant leurs sélections, supporters et entreprises régionales tissent un réseau informel de relations culturelles et commerciales, processus que les économistes qualifient de soft power sportif. Dans cette perspective, la performance congolaise portera bien au-delà des 90 minutes réglementaires.
Entre cohésion nationale et projection internationale
À Brazzaville, les retransmissions publiques prévues sur les écrans géants de la place de la Gare et de la corniche du fleuve Congo traduisent la volonté des autorités locales d’offrir des espaces de communion populaire, dans le strict respect des mesures de sécurité. « Le football crée un temps suspendu où l’unité nationale se vit concrètement », observe la sociologue Léonie Maboungou.
Sur le plan international, la Fifa et la CAF continueront d’évaluer la capacité organisationnelle des pays hôtes, alors que se profile l’attribution de la Coupe d’Afrique des nations 2029. Le Chan 2024 servira donc de test grandeur nature, et le Congo, par la cohérence de son projet sportif, entend se positionner comme acteur responsable et partenaire fiable de la diplomatie sportive continentale.
En définitive, la convocation des 25 Diables rouges A’ apparaît comme la première pièce d’un puzzle dont l’accomplissement se jouera sur des pelouses est-africaines, mais dont les répercussions résonneront de Pointe-Noire à Ouesso. Avec un savant dosage d’humilité et d’audace, le Congo se prépare à écrire un nouveau chapitre de son histoire footballistique, porté par l’espoir qu’au soir du 30 août, ses couleurs figurent encore parmi celles qui se disputeront le trophée.