Le pari d’une résilience nationale
À Brazzaville, entre les rives sablonneuses du fleuve Congo et les fresques modernistes du Centre de conférences, l’atelier conjoint gouvernement–PNUD des 8, 9 et 10 juillet 2025 a marqué un tournant discret mais fondamental dans la gestion des risques du pays. La Stratégie nationale de relèvement post-catastrophes et de préparation aux crises futures 2025-2030, révisée après les inondations de 2023, y a été validée dans un consensus salué par la directrice de l’assistance humanitaire, Carine Ibatta. L’objectif déclaré est limpide : faire du Congo, d’ici à 2030, une nation capable d’absorber les chocs naturels, technologiques ou humains sans s’enliser dans la spirale de l’urgence.
Un cap stratégique aligné sur Sendai
Fruit d’une évaluation post-catastrophe conduite selon la méthodologie PDNA, le document épouse les principes du Cadre de Sendai pour la réduction des risques, référence onusienne en la matière. Il inscrit la gestion prospective des aléas au cœur de la planification nationale, en instituant un système d’alerte précoce multirisques, la mise à jour récurrente des plans de contingence et la création d’un fonds d’urgence adossé au Trésor. « Nous parlons ici d’un changement de paradigme : anticiper, plutôt que subir », a résumé Joseph Pihi, expert réhabilitation du PNUD, rappelant que chaque dollar investi en prévention permet d’économiser jusqu’à sept dollars en réponse humanitaire (PNUD).
Des priorités concrètes pour les territoires sinistrés
La reconstruction des infrastructures sociales concentre l’essentiel des regards : hôpitaux modulaires, écoles surélevées, logements compactés et résistants aux vents violents. Viennent ensuite les routes stratégiques, les ponts sur pilotis, les réseaux solaires de proximité et les forages profonds destinés à sécuriser l’accès à l’eau. Pour la relance des moyens de subsistance, la stratégie encourage la diversification agricole grâce aux semences à cycle court, l’introduction d’élevages rustiques et la modernisation des pêcheries fluviales. Autant de mesures qui, selon le ministère de l’Agriculture, pourraient restaurer la productivité rurale à 110 % de son niveau d’avant-crise dès 2028 si les financements sont tenus.
Financement et gouvernance, clefs de voûte
Chiffrée à 156,7 milliards FCFA pour la période pilote 2025-2026, la stratégie s’appuie sur un montage financier hybride associant le budget national, les mécanismes du PNUD, les facilités climatiques multilatérales et l’appui d’organisations telles que la Croix-Rouge. Le ministre des Finances, lors de la clôture, a insisté sur « la nécessité d’inscrire ces sommes au budget d’investissement, et non d’attendre la prochaine urgence ». Du côté institutionnel, la coordination repose sur un secrétariat permanent rattaché à la Primature, chargé de superviser le suivi-évaluation trimestriel et de publier des rapports publics afin de garantir la transparence attendue par la société civile. Les organisations de femmes et de personnes vivant avec handicap bénéficieront d’un siège consultatif permanent, signe d’une approche inclusive que les partenaires internationaux considèrent comme un préalable désormais incontournable.
Un examen critique mais constructif
Si l’adoption du texte est saluée comme une avancée, plusieurs observateurs rappellent la complexité de la mise en œuvre sur un territoire de 342 000 km² où les zones forestières compliquent la logistique. L’assiduité des acteurs locaux devra se conjuguer à des partenariats privés pour combler les éventuels écarts de trésorerie. Les gouverneurs des départements concernés ont plaidé pour un transfert effectif des ressources dès l’exercice 2026 afin d’éviter la lenteur qui avait retardé les programmes post-inondations de 2019. Les agences de développement soulignent également l’importance d’indicateurs mesurables : délai de réhabilitation des ponts stratégiques, taux de fréquentation scolaire post-sinistre ou encore pourcentage de foyers disposant d’un kit d’alerte communautaire.
Perspectives pour une culture de prévention
Au-delà des chantiers d’ingénierie, la stratégie investit le champ culturel : insertion des modules de réduction des risques dans les programmes scolaires, mobilisation des conteurs traditionnels pour diffuser les messages de prévention, ou encore partenariats avec les radios communautaires pour démultiplier l’impact des alertes. Cette dimension sociétale, jugée cruciale par l’anthropologue Clément Mavinga, pourrait transformer la perception des catastrophes : passer de la fatalité à la responsabilité partagée. Ainsi, l’horizon 2030 que s’est fixé le Congo ne constitue pas un simple jalon chronologique, mais l’échéance d’un contrat collectif où l’État, les collectivités, le secteur privé et les citoyens sont appelés à conjuguer leurs efforts dans une vision résolument proactive.
Enjeux et engagement continus
La stratégie nationale de relèvement post-catastrophes, désormais endossée par toutes les parties prenantes, offre un cadre rigoureux pour épargner au pays les spirales de vulnérabilité observées ailleurs dans la sous-région. Sa réussite dépendra toutefois de la constance des financements, de la robustesse des indicateurs et de la circulation de l’information entre le sommet et les communautés de base. À Brazzaville, la signature des documents n’était qu’une étape ; l’histoire se jouera sur le terrain, à Impfondo comme à Pointe-Noire, là où la crue ou la tempête rappellera périodiquement l’urgence d’une résilience devenue, pour la décennie à venir, priorité nationale.