Brazzaville scelle un bilan teinté d’ambition
Dans l’atmosphère calme d’un après-midi de juillet, la salle de réunion du ministère congolais de l’Environnement a pris des airs de passage de relais. Au terme de quatre années de présence à Brazzaville, le directeur de l’Agence française de développement, Maurizio Cascioli, a dressé, face à Arlette Soudan-Nonault, le tableau d’une coopération climatique qu’il décrit comme « stratégique et féconde ». Le mot n’est pas choisi au hasard : depuis 2019, l’AFD a soutenu une constellation de projets visant à consolider la résilience du territoire congolais, des mangroves atlantiques aux forêts inondées de la cuvette centrale. Si le bilan chiffré affiche 456 millions FCFA engagés rien qu’en 2023 pour le renforcement des capacités des défenseurs de l’environnement, l’essentiel, insiste-t-il, réside dans la « dynamique d’intégration de l’adaptation dans toutes les politiques publiques ».
Financements ciblés pour une résilience en mosaïque
Les enveloppes de l’AFD ne se contentent pas de soutenir de grands programmes étatiques ; elles irriguent une myriade de territoires où la vulnérabilité climatique se fait sentir au quotidien. Dans le département côtier du Kouilou, la stabilisation des falaises menacées par l’érosion avance désormais grâce à des études de sols cofinancées. À Owando, des coopératives agricoles expérimentent des variétés de manioc plus tolérantes à la sécheresse, tandis qu’à Ouesso des communautés pygmées développent un réseau de pépinières forestières destiné à réhabiliter les clairières surexploitées. Cette cartographie des interventions témoigne d’une volonté de ne pas s’en tenir à une démarche descendante : « La résilience se bâtit au plus près des populations, sinon elle reste un slogan », rappelle un conseiller technique joint par téléphone.
L’adaptation, fil conducteur d’une politique multisectorielle
Arlette Soudan-Nonault martèle depuis plusieurs mois le même axiome : le changement climatique n’est pas un chapitre sectoriel mais un prisme à travers lequel se reconfigure l’action publique. D’où la nécessité, souligne-t-elle, « d’infuser la notion d’adaptation dans l’urbanisme, l’agriculture, la gestion de l’eau et même la culture ». Cette approche transversale se retrouve dans le premier Programme national d’adaptation, financé en partie par des fonds verts internationaux captés par la diplomatie congolaise lors de la COP26. Les outils élaborés — tableaux de vulnérabilité, lignes directrices pour les marchés publics, guides pédagogiques — commencent à se frayer un chemin dans l’appareil administratif, même si la ministre concède que « la bataille se gagnera aussi sur les bancs des universités et dans les conseils municipaux ».
Biodel : la prochaine pièce maîtresse
Au-delà du bilan, la rencontre a surtout servi à esquisser la suite. Désigné par Cascioli comme « levier d’accélération », le programme Biodel prévoit de conjuguer préservation de la biodiversité et développement économique. Il s’appuie sur une architecture financière hybride mêlant subventions, prêts concessionnels et contributions privées, avec un accent mis sur la gouvernance locale. Dans les massifs du Chaillu, les autorités coutumières seront invitées à codéfinir des plans de gestion communautaires afin d’éviter la déforestation liée à l’expansion agricole. Des start-ups congolaises spécialisées dans la télédétection s’engageraient parallèlement à fournir des données satellitaires en accès ouvert, réduisant les coûts de surveillance. « Les choses devraient pouvoir s’accélérer au cours des prochains mois », confie le directeur sortant, convaincu que l’élan politique est désormais là.
Une diplomatie verte au service d’un partenariat durable
Au-delà des chiffres et des acronymes, la scène de juillet illustre une diplomatie verte qui se construit sur la durée. Les déclarations de courtoisie masquent mal la satisfaction des deux parties d’avoir maintenu un cap malgré le tumulte économique mondial. Le gouvernement congolais voit dans l’AFD un partenaire « patient, structurant et respectueux des priorités nationales ». De son côté, l’agence française trouve au Congo un laboratoire grandeur nature pour tester des modèles de développement bas carbone dans un contexte forestier stratégique pour la planète. Cette convergence d’intérêts, loin de se réduire à un simple flux financier Nord-Sud, dessine les contours d’un compagnonnage où l’expertise technique se nourrit de la connaissance fine des territoires et des cultures. La ministre, visiblement émue, conclut : « Puissions-nous poursuivre ensemble cette aventure où l’enjeu climatique rejoint la dignité humaine et l’espoir de prospérité partagée. »