Un groupe D aux allures de piège
Le tirage au sort effectué à Alger par la Confédération africaine de football a placé le Congo dans la poule la plus dense de la compétition. Aux côtés du Sénégal et du Nigeria, la sélection soudanaise complète un tableau où chaque point pèsera le poids d’un lingot. Pour le Congo, l’entrée en matière face au Soudan, mardi après-midi sur la pelouse tempérée du Brann Stadion de Bergen, s’apparente à un examen préalable : réussir, c’est s’installer d’emblée dans le peloton de tête ; trébucher, c’est s’exposer à la pression des mastodontes ouest-africains. Les dirigeants de la Fédération congolaise de football, conscients de cette équation, ont fixé comme objectif minimal la qualification pour les quarts de finale, afin de consolider la progression entamée depuis l’édition 2018 où les Diables Rouges avaient atteint les demi-finales.
Le choix d’un terrain neutre en Norvège, fruit d’un accord logistique entre la CAF et l’UEFA pour répondre aux exigences de calendrier, ajoute une dimension inédite. Le climat septentrional, éloigné de la moiteur équatoriale de Brazzaville ou de Khartoum, redistribue certaines cartes physiologiques, obligeant les staffs à adapter leur préparation musculaire et nutritionnelle.
Les enseignements du laboratoire Ngatsono
À la tête de la sélection A’ depuis deux ans, le technicien Barthélemy Ngatsono a multiplié les séminaires techniques avec ses adjoints afin d’affiner un 4-3-3 modulable en 3-5-2. Dans ses déclarations récentes, il insiste sur « l’impératif d’alterner construction patiente et transitions rapides », formule qui vise à tirer profit des profils hybrides de ses milieux de terrain. Brudet Vigel Okana, relayeur capable de jouer entre les lignes, sera associé à Venold Dzaba, dont la lecture défensive rassure le bloc.
En charnière centrale, Ulrich Samba et Chelcy Bonazebi, formés sur les pelouses du championnat national, devront gérer la profondeur laissée derrière des latéraux volontiers offensifs. Devant, Wilfrid Nkaya, faux numéro neuf attiré par les décrochages, ouvrira des espaces à Dechan Moussavou, plus axial. La dernière séance d’entraînement, rapportée par la presse locale, a vu les Congolais travailler le pressing à seize secondes après perte de balle, indice de l’intensité recherchée.
Le Soudan, adversaire pragmatique
Les Faucons de Jediane, revigorés par une série de matches sans défaite dans le temps réglementaire, abordent la rencontre avec une réputation d’équipe étanche. L’entraîneur soudanais Burhan Tia a construit son édifice sur une défense à cinq coulissante, n’hésitant pas à bloquer le couloir fort adverse par un marquage de zone. Leur animation offensive repose souvent sur des transitions courtes, emmenées par l’espoir Mohamed Abdelrahman.
Cette prudence méthodique a notamment neutralisé l’Ouganda en préparation, rencontre terminée sur un nul blanc mais riche en enseignements : le Soudan concède peu d’occasions, quitte à sacrifier la possession. Pour le Congo, la clé tiendra donc dans la capacité à déséquilibrer le rideau médian soudanais sans s’exposer aux contres.
Un calendrier resserré aux enjeux multiples
La configuration du tournoi impose trois rencontres en l’espace de huit jours. Après le choc face au Soudan, les Congolais affronteront le Sénégal le 12 août puis le Nigeria le 19 août. Cette densité contraint les préparateurs physiques à un dosage subtil entre charge de travail et récupération active. « Nous devons gérer l’euphorie et la fatigue comme les deux faces d’une même pièce », confiait le docteur Marius Mavoungou, responsable médical de la délégation.
Par ailleurs, la CAF a confirmé que les deux premières sélections de chaque groupe accéderaient aux quarts, prévus le 22 et le 23 août. À ce stade, l’adversité pourrait provenir du très disputé groupe A, où la Tanzanie a déjà surpris le Burkina Faso. Chaque scénario inscrit dans les tablettes tactiques tient donc compte d’une seconde phase encore plus exigeante.
Au-delà du terrain, des symboles nationaux
La participation congolaise au CHAN, compétition réservée aux joueurs évoluant dans les championnats locaux, s’inscrit dans la dynamique de valorisation du sport national promue par les autorités. Le ministère des Sports évoque régulièrement « une vitrine de la créativité et de la cohésion nationales ». Dans ce contexte, le parcours des Diables Rouges ne se mesure pas seulement en points mais également en capacité d’inspiration pour la jeunesse. Les retransmissions télévisées, soutenues par la chaîne publique, devraient atteindre des audiences records, nourries par la diaspora connectée via les plateformes numériques.
Sur le plan diplomatique, Brazzaville voit dans ce rendez-vous continental l’occasion de consolider son image de terre de football, un atout symbolique au moment où le chef de l’État Denis Sassou Nguesso multiplie les initiatives de soft power culturel. Un résultat probant face au Soudan, conjugué à une attitude exemplaire sur la pelouse, serait perçu comme la confirmation d’une stratégie de long terme visant à faire du sport l’un des vecteurs de rayonnement du Congo dans la région.