Vingtième bougie pour un think tank congolais
À Brazzaville, la salle résonnait d’applaudissements quand le Centre d’études stratégiques du bassin du Congo a soufflé sa vingtième bougie, le 30 juillet 2025. Autour de Pr Aimé Dieudonné Mianzenza, les invités se pressaient pour mesurer le chemin parcouru.
Créé en 2005 dans la région parisienne, le think tank a migré au pays pour accompagner la montée en puissance des talents locaux. Financé uniquement par les cotisations de ses membres, il revendique une totale indépendance intellectuelle, mais s’inscrit dans les priorités nationales.
L’urgence climatique et la finance carbone
Le thème choisi pour l’anniversaire, « Financement carbone et développement », n’était pas anodin. Dans un contexte où les inondations à Pointe-Noire et les pics de chaleur à Ouesso rappellent l’accélération du dérèglement climatique, la question du prix du carbone devient plus que jamais stratégique.
Devant un parterre d’universitaires et de cadres ministériels, Pr Mianzenza a rappelé la définition du budget carbone, ce « compte » qui limite l’humanité à moins de deux degrés de réchauffement. « Au-delà, nos mangroves disparaîtront », a-t-il averti, suscitant un silence attentif.
Le constat est partagé: les prix actuels du crédit carbone, souvent inférieurs à six dollars la tonne, ne couvrent pas les coûts de la transition énergétique. Pour le Congo, deuxième poumon vert mondial, la disparité entre service rendu et rémunération questionne l’équité économique.
Le bassin du Congo, atout vert du continent
Avec ses 22,3 millions d’hectares de forêt primaire, le pays stocke chaque année près de deux cents millions de tonnes de CO2 selon le ministère de l’Économie forestière. Cette performance écologique s’aligne sur la vision du chef de l’État, favorable à un développement bas-carbone.
Les experts invités ont détaillé les pistes d’une tarification plus juste: instaurer un plancher africain, renforcer la transparence des registres et faciliter l’accès des communautés locales aux revenus générés. « Sans population, pas de forêt », a insisté le Dr Jean Bakouma, modérateur de la table ronde.
Plusieurs participants ont salué les initiatives déjà en cours, comme le Fonds bleu pour le Bassin du Congo soutenu par la Banque africaine de développement. Le Cesbc propose d’y adosser un observatoire scientifique afin de chiffrer, trimestre après trimestre, l’impact réel des nouveaux financements.
Une bibliothèque numérique pour les chercheurs
Au-delà du climat, le centre a bâti un trésor documentaire: cent mille thèses, des milliers de rapports et une veille quotidienne sur quinze-cents médias internationaux. Hébergée sur ses serveurs sécurisés, cette base annonce la future bibliothèque numérique congolaise, en accès privilégié pour les chercheurs affiliés.
Pour la sociologue Laure Ngabisia, cette plateforme change la donne: « J’ai téléchargé en une nuit des références que je cherchais depuis des mois à l’étranger ». L’an prochain, un moteur de recherche multilingue devrait être intégré, rendant encore plus visible la production académique congolaise.
Le projet a reçu l’appui méthodologique du ministère de la Recherche scientifique, gage d’une articulation avec les programmes gouvernementaux de numérisation. Un partenariat public-privé est également envisagé pour étendre la bande passante et garantir une consultation fluide, même depuis les zones rurales.
Des presses qui mettent en lumière la recherche
La branche éditoriale, CesbcPresses, a publié soixante-sept ouvrages depuis 2011. Parmi eux, le Catalogue des thèses de doctorat de la République du Congo, véritable cartographie du savoir national, attire l’attention des recruteurs et des bailleurs friands de profils hautement qualifiés.
Les essais consacrés à la transition énergétique signés par Raoul Maixent Ominga rencontrent également un écho favorable, à l’heure où le Parlement examine un projet de loi sur la valorisation des énergies nouvelles. Le Cesbc se veut ainsi chambre d’écho des débats nationaux.
Pour garantir la visibilité de ces travaux, une tournée littéraire est programmée dans six capitales africaines. L’opération sera couplée à des ateliers d’écriture destinés aux jeunes chercheurs, preuve que le Cesbc entend conjuguer production de contenu et formation de la relève.
Perspectives et feuille de route
Interrogé sur les vingt prochaines années, Pr Mianzenza anticipe une consolidation régionale. « Nous voulons devenir la tour de contrôle scientifique du Bassin du Congo, en synergie avec les académies nationales », a-t-il confié, rappelant l’importance d’une diplomatie du savoir.
Dans cette optique, le centre milite pour un nouveau pacte financier mondial où l’Afrique serait écoutée comme fournisseur de services écologiques. Les recommandations issues de la table ronde seront remises au gouvernement, qui pourrait s’en inspirer lors des prochaines négociations climatiques.
Au-delà des grandes conférences, le Cesbc mise sur des projets pilotes, tels la reforestation des berges du Kouilou ou l’électrification solaire des campus. Ces initiatives, testées localement, pourraient ensuite être répliquées, illustrant un développement endogène aligné sur les ambitions présidentielles.
En célébrant son anniversaire, le Cesbc rappelle qu’un avenir sobre en carbone s’écrit aussi depuis Brazzaville. Sa trajectoire prouve que le capital intellectuel congolais peut influencer les grandes décisions internationales, tout en nourrissant la jeunesse d’opportunités concrètes et d’histoires de réussite, dont certaines, déjà saluées par l’Union africaine, émergent d’ailleurs.