Une huitième session sous le sceau de l’examen
Installés dans l’amphithéâtre feutré du ministère des Finances, les délégués congolais et français n’avaient nullement l’allure de célébrants routiniers. Pour cette huitième réunion du Comité d’orientation et de suivi, la tonalité était à l’analyse méthodique des progrès réalisés depuis la signature du Contrat de désendettement et de développement. Depuis 2016, ce mécanisme original affecte au financement de projets structurants des créances françaises converties en subventions, libérant ainsi 229 millions d’euros — soit près de 150 milliards de francs CFA — au service d’une stratégie nationale de long terme. Christian Yoka, ministre congolais des Finances, et Claire Bodonyi, ambassadrice de France, ont coprésidé les débats en insistant d’emblée sur « l’exigence d’un pilotage rigoureux » afin que chaque franc sanctuarisé produise un dividende social tangible.
Treize chantiers pour transformer les territoires
Les dossiers techniques transmis aux participants témoignent de la diversité d’un portefeuille désormais composé de treize chantiers et de deux fonds d’études. Trois réalisations emblématiques – le drainage des eaux pluviales de Brazzaville, la formation des travailleurs sociaux et le programme de filets sociaux Lisungi – nourrissent déjà des retombées perceptibles. Le réseau d’évacuation des eaux a réduit l’exposition de plusieurs quartiers aux inondations, tandis que l’initiative Lisungi assure, selon les derniers chiffres officiels, un soutien financier régulier à cinquante mille foyers vulnérables. Ces indicateurs, s’ils demeurent partiels, illustrent la capacité du C2D à irriguer simultanément l’infrastructure urbaine et le capital humain.
Le prisme social comme boussole stratégique
Au fil des travaux à huis clos, une priorité consensuelle a émergé : renforcer les projets strictement sociaux face à la persistance des fragilités économiques. Le programme Telema, dont l’appellation lingala signifie « debout », symbolise cette orientation. Conçu pour attribuer des ressources de démarrage à des micro-entreprises familiales, il vise à consolider un tissu d’activités génératrices de revenus dans les quartiers populaires de Brazzaville et Pointe-Noire. L’ambassadrice Bodonyi a salué « l’effet multiplicateur d’un franc investi dans l’entrepreneuriat communautaire », tandis que la ministre des Affaires sociales Marie Cécile Mboukou Kimbatsa a rappelé que « le succès des transferts monétaires conditionnels dessine un horizon d’autonomie ». Les deux parties envisagent désormais d’élargir la cible aux jeunes diplômés en quête de leur premier capital d’installation.
Inflation des coûts : une équation budgétaire à résoudre
Si la cartographie des impacts se veut encourageante, plusieurs lignes d’alerte sont apparues. L’escalade mondiale des prix des matériaux de construction, consécutive aux tensions sur les chaînes d’approvisionnement, renchérit notablement les devis initiaux. « Certaines enveloppes ne suffisent plus à couvrir la totalité des activités projetées », a concédé Claire Bodonyi, évoquant la corniche de Brazzaville ou encore le volet agricole du PARSA, dont la livraison est attendue entre 2025 et 2027. Pour prévenir les décalages calendaires, le Comité recommande une actualisation trimestrielle des estimations et une hiérarchisation plus fine des postes de dépense. Côté congolais, Christian Yoka plaide pour que « la rigueur budgétaire épouse la créativité financière », citant la possibilité de mobiliser des cofinancements multilatéraux ou de recourir à des partenariats public-privé ciblés.
Cap sur une coopération renouvelée et inclusive
Derrière les chiffres, c’est bien la philosophie même du C2D que les représentants ont réaffirmée : transformer un passif historique – la dette – en levier d’avenir partagé. Cette transmutation exige cependant un suivi administratif fluide. Les cellules spécialisées des ministères sectoriels, chargées de collecter les données d’exécution, nécessitent un appui logistique accru. Le Comité en appelle, dans ses recommandations finales, à un renforcement des capacités et à la mutualisation des savoir-faire, afin que la culture de l’évaluation s’ancre durablement. Dans une conjoncture internationale où la recherche de financements concessionnels devient plus compétitive, la solidité de la coopération franco-congolaise demeure un atout stratégique. En faisant de l’investissement social une priorité non négociable, Brazzaville et Paris entendent démontrer qu’une dette intelligemment restructurée peut, loin de constituer un fardeau, devenir la matrice d’un développement plus inclusif et résilient.