La célébration d’une trajectoire ascendante
Sous les lambris feutrés du siège brazzavillois, le dixième anniversaire de la Banque Sino-Congolaise pour l’Afrique a pris des allures de bilan national. La présence du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, de l’ambassadeur de Chine Li Zhiguo et du directeur général de la Banque agricole de Chine Wang Zhiheng, venu spécialement de Pékin, a souligné la dimension diplomatique d’une institution devenue, en une décennie, un pilier du système financier congolais.
Créée le 1ᵉʳ juillet 2015 à l’initiative conjointe des présidents Denis Sassou Nguesso et Xi Jinping, la BSCA Bank illustre la volonté de traduire la coopération bilatérale en infrastructures financières palpables. « Dix ans d’activité, c’est d’abord dix ans de confiance tissée avec les populations de Brazzaville et de Pointe-Noire », a rappelé le ministre des Finances Christian Yoka, saluant « un partenariat stratégique qui ne se réduit pas à des chiffres, mais forge une culture commune de la bancarisation ».
Des performances qui redessinent le paysage bancaire
Dernière-née des banques congolaises, la BSCA Bank occupe aujourd’hui, selon les données officielles, la première place pour la mobilisation de dépôts avec plus de 20 % de parts de marché. Elle se classe deuxième pour le financement du secteur privé et pour les concours à l’État. Son produit net bancaire a progressé en moyenne de 18 % par an, dans un contexte marqué par des fluctuations des cours pétroliers et la pandémie de Covid-19.
L’institution a également diversifié ses offres, du crédit agricole soutenu par l’actionnaire chinois à la microfinance urbaine destinée aux jeunes entrepreneurs. « La stabilité et la capacité d’innovation de la BSCA Bank ont stimulé l’ensemble du secteur, en introduisant des solutions digitales qui accélèrent l’inclusion financière », précise Arielle Okombi, analyste au Centre d’études monétaires de l’Université Marien Ngouabi.
Un capital humain à l’image du partenariat
Partie de 39 collaborateurs en 2015, la banque emploie désormais 200 personnes, dont 85 % de nationaux. Les programmes de formation croisée avec l’ABC à Pékin et Shanghai ont permis d’élever la maîtrise des normes prudentielles internationales. Pour Priscille Mabiala, cheffe de département à la Direction de la supervision bancaire, « la montée en compétence locale démontre qu’un partenariat Nord-Sud peut se décliner en transfert de savoirs concrets ».
La mixité des équipes, valorisée lors de la cérémonie du 11 juillet 2025, illustre une diplomatie des talents où la langue du bilan comptable rejoint celle de l’interculturalité. Les échanges annuels de cadres placent désormais la BSCA Bank dans le sillage d’établissements multinationaux tout en préservant une gouvernance ancrée dans la réglementation de la Banque des États de l’Afrique centrale.
Impact sociétal et ancrage territorial
Avec sept agences, la banque a étendu sa présence au-delà des grands centres, finançant la réhabilitation de marchés municipaux et le déploiement de plateformes de paiement mobile adaptées aux zones semi-urbaines. Dans le secteur agricole, plus de 30 milliards de francs CFA ont été alloués à des coopératives de la cuvette congolaise, contribuant à sécuriser la chaîne de valeur manioc-maïs.
Ces initiatives répondent à la feuille de route nationale de diversification économique, plaidée par le gouvernement pour atténuer la dépendance aux hydrocarbures. « L’instrument bancaire devient catalyseur de la transformation structurelle », observe l’économiste Georges Kouyou, soulignant que la banque participe indirectement à l’atteinte des Objectifs de développement durable sur l’emploi des jeunes et l’égalité des genres.
Le troisième plan quinquennal : cap sur 2030
Au-delà de la rétrospective, l’annonce d’un troisième plan de développement pour la période 2026-2030 conforte la trajectoire ascendante. Christian Yoka a précisé que le projet vise une bancarisation de 35 % de la population, l’ouverture de quatre nouvelles agences et la création d’une filiale dédiée au financement vert. La banque ambitionne également de se positionner sur le segment des obligations d’État libellées en monnaie locale, facilitant ainsi la profondeur du marché financier régional.
Le soutien réitéré de l’exécutif congolais signale la priorité donnée à la stabilité macroéconomique, tandis que la partie chinoise voit dans la consolidation de la BSCA Bank un vecteur privilégié des initiatives de la Ceinture et la Route sur le continent. Dans un contexte où les flux Sud-Sud se densifient, la décennie à venir pourrait bien transformer l’établissement en passerelle financière pour l’ensemble de la sous-région.
Vers une finance d’influence africaine
En dix ans, la BSCA Bank a su se hisser au rang de référence en matière d’intégration opérationnelle entre capitaux publics et privés issus de deux continents aux trajectoires économiques complémentaires. Sa progression, mesurée mais constante, atteste que la coopération sino-congolaise s’inscrit dans une logique de co-construction et non de simple transfert de ressources.
À l’heure où les économies africaines recherchent des partenaires crédibles pour soutenir l’industrialisation, le cas de la BSCA Bank offre un laboratoire des possibles. Si les défis de cybersécurité, de conformité internationale et de rentabilité à long terme demeurent, la solidité des fondamentaux laisse entrevoir une nouvelle décennie d’innovations partagées, dans laquelle Brazzaville pourrait devenir un hub financier singulier au cœur du Golfe de Guinée.