Gouvernance locale en pleine effervescence à Brazzaville
Brazzaville a accueilli le 11 juillet 2025 un atelier qui pourrait modifier durablement la manière dont les communes congolaises envisagent leur avenir. Organisée par le Centre d’actions pour le développement, la rencontre a réuni élus, cadres administratifs et leaders associatifs autour d’un même enjeu: la gouvernance locale.
Former pour mieux planifier le développement
Sous la houlette de Guerschom Gobouang, responsable Campagne et plaidoyer du CAD, et de Trésor Nzila, directeur exécutif, les participants ont disséqué la chaîne complète qui conduit d’une idée citoyenne à un programme communal exécutable, en passant par le financement, l’évaluation et la reddition publique des résultats.
Le contexte est favorable : depuis la réforme de 2003, la République du Congo encourage la décentralisation et la prise en compte des priorités locales. Mais sur le terrain, l’écart persiste entre les textes et la pratique, souvent faute d’outils méthodologiques partagés et de véritables espaces de dialogue.
L’approche base-sommet gagne du terrain
Durant l’atelier, les formateurs ont opposé l’approche traditionnelle sommet-base, encore dominante dans plusieurs départements, à la démarche base-sommet expérimentée depuis 2023 dans les zones pilotes du CAD. La comparaison a éclairé les limites des plans rédigés sans consultation directe des habitants.
« Un diagnostic doit naître de la bouche même des riverains », a insisté Guerschom Gobouang, rappelant que les communautés connaissent l’emplacement d’un puits défaillant mieux qu’un bureau d’études extérieur. D’après lui, cette connaissance fine du terrain garantit que les investissements touchent réellement les priorités sociales.
Synergies entre élus, société civile et partenaires
Pour consolider cette approche participative, l’atelier a proposé des canevas simplifiés, allant de la cartographie communautaire à la budgétisation sensible au genre. Les élus présents, dont la conseillère municipale Irène Mavoungou, ont salué des outils « accessibles, reproductibles et compatibles avec la réglementation nationale en vigueur ».
La société civile, représentée par des collectifs de jeunes et des associations féminines, a rappelé qu’elle dispose aussi de données précieuses issues de projets antérieurs sur la santé, l’eau ou l’emploi. Une meilleure intégration de ces informations pourrait raccourcir les délais de planification et réduire les doublons budgétaires.
Les ambitions nationales de décentralisation
Au-delà de la technique, les débats ont mis l’accent sur la nécessité d’une confiance renouvelée entre collectivités locales et citoyens. Plusieurs maires ont reconnu que la publication régulière du suivi budgétaire, notamment sur les radios communautaires, favorise une appropriation rapide des projets et limite les tensions.
Le gouvernement, pour sa part, a récemment réaffirmé son engagement à soutenir ces dynamiques. Dans son allocution du 30 juin, le ministre de la Décentralisation a vanté « la complémentarité indispensable entre l’État stratège et les communes agiles, créatives, proches des réalités quotidiennes des Congolais ».
Des recommandations pragmatiques et inclusives
En pratique, les participants ont formulé une série de recommandations: impliquer systématiquement les comités de quartier dans l’élaboration des diagnostics, publier les budgets prévisionnels en langage simplifié et renforcer les formations sur le suivi-évaluation. Ces propositions seront compilées et transmises officiellement aux ministères concernés avant la fin août.
Certaines communes pilotes, comme Makoua et Mindouli, se sont déjà engagées à tester la grille d’indicateurs proposée. Les premiers retours sont attendus pour décembre, ce qui pourrait offrir un référentiel comparatif utile aux acteurs désireux d’ajuster leurs propres plans de développement à partir de 2026.
Financement international et responsabilités locales
Le financement du projet est assuré par le Fonds des Nations pour la démocratie, à hauteur de 350 000 dollars sur deux ans. Selon les responsables onusiens, cette dotation vise « à catalyser des pratiques exemplaires appelées à être pérennisées par les budgets locaux et les partenaires privés ».
En échange, les collectivités bénéficiaires devront documenter chaque étape, du recueil des plaintes à la livraison des infrastructures, afin d’alimenter une base de connaissances ouverte. L’idée est de favoriser le partage Sud-Sud entre municipalités africaines confrontées à des défis similaires en matière d’accès à l’eau, aux routes ou à l’énergie.
Vers une nouvelle culture de la reddition de comptes
Au fil des échanges, un consensus s’est dégagé sur la valeur des indicateurs qualitatifs: nombre de réunions publiques, temps de réponse administratif, satisfaction perçue des usagers. Autant d’éléments qui complètent les mesures financières habituelles et permettent de suivre l’impact social réel des projets d’investissement.
Pour l’expert en politiques publiques Alain Bissambou, présent à titre d’observateur, « la formation constitue un pas décisif vers une véritable culture de la reddition de comptes, sans laquelle la confiance se délite ». Il estime toutefois indispensable de maintenir un accompagnement technique sur plusieurs cycles budgétaires.
Un horizon durable pour les communautés congolaises
Le CAD annonce déjà la poursuite du programme en 2026, avec un accent sur le numérique participatif. Des plateformes mobiles devraient permettre aux citoyens de géolocaliser les services prioritaires ou de signaler des besoins urgents, renforçant ainsi la boucle de rétroaction entre mairie et population.
Si cet écosystème collaboratif tient ses promesses, les plans de développement locaux pourraient devenir l’outil central de la cohésion territoriale congolaise. À terme, chaque quartier disposerait d’une vision chiffrée et démocratiquement validée de son futur, inscrivant la gouvernance locale comme moteur tangible du développement national.