Signature à Brazzaville: un nouveau souffle bilatéral
Le salon d’honneur du ministère congolais de la Coopération internationale n’avait sans doute pas connu pareille effervescence depuis plusieurs mois. Sous les lambris officiels, l’ambassadeur du Japon, Ogawa Hidetoshi, et le ministre Denis Christel Sassou N’Guesso ont apposé, ce mardi, leurs paraphes sur un document qui cristallise près de sept années d’intenses pourparlers diplomatiques. Le texte, consacré à la coopération technique et au programme de volontaires japonais à l’étranger, acte une volonté partagée de transformer les bonnes intentions en projets tangibles.
« Cette signature trace une nouvelle page de notre amitié », a déclaré le diplomate nippon, estimant que le partenariat s’inscrit dans « la solidarité, l’innovation et le progrès partagé ». Le changement de rythme est manifeste : jusque-là, les échanges s’étaient limités à des aides ponctuelles. Désormais, Brazzaville et Tokyo se dotent d’un cadre juridique permettant de déployer, sur la durée, des programmes coordonnés, depuis l’ingénierie jusqu’à l’évaluation des impacts (Ambassade du Japon à Brazzaville, 2024).
Côté congolais, le ministre a souligné que l’accord intervient à un moment charnière pour la diplomatie économique nationale, qui recherche des partenaires capables d’accompagner le Plan national de développement 2022-2026. En filigrane, l’exécutif congolais entend diversifier ses coopérations au-delà des axes traditionnels, tout en consolidant un dialogue déjà ancien avec le Japon, inauguré dès les premières éditions de la TICAD dans les années 1990.
JICA et savoir-faire nippon: ingénierie du partenariat
Au cœur du dispositif figure l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), bras armé du gouvernement de Tokyo pour l’aide publique au développement. Le nouvel accord autorise l’envoi d’experts de haut niveau – ingénieurs, agronomes, urbanistes – dont la mission consistera à co-construire des projets adaptés au contexte congolais, qu’il s’agisse de maintenance d’infrastructures routières ou de gestion intelligente de l’eau potable.
Le texte prévoit également la mise à disposition de volontaires japonais, jeunes professionnels ou retraités expérimentés, qui interviendront dans des collectivités locales, des lycées techniques ou des start-up incubées dans l’écosystème numérique de Brazzaville. Cette approche, déjà éprouvée au Rwanda et au Ghana (JICA, 2023), confère une dimension humaine à la coopération et favorise le transfert de compétences in situ.
Cap sur la formation des talents congolais
La formation constitue l’axe le plus visible de l’accord. Selon les estimations du ministère de la Jeunesse, près de 4 000 diplômés d’ici à 2028 pourraient bénéficier de stages de perfectionnement au Japon ou au sein d’unités pilotes installées dans les grandes villes congolaises. Les secteurs ciblés – énergie renouvelable, mécanique de précision, cybersécurité – répondent à la fois aux priorités nationales et aux créneaux d’excellence nippons.
Pour la jeunesse congolaise, dont le taux de chômage avoisinerait 19 % en zone urbaine (Institut national de la statistique, 2022), ces formations représentent une passerelle vers l’employabilité et l’entrepreneuriat. « L’accord ouvre une fenêtre sur des métiers d’avenir, là où la demande mondiale est forte », analyse Léonie Mabiala, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, qui note également que la langue de travail sera le français, avec des modules d’initiation au japonais pour favoriser l’inter-compréhension culturelle.
Innovation, équipements et retombées socio-économiques
Au-delà du capital humain, l’arrangement prévoit la fourniture d’équipements, de machines-outils et de laboratoires mobiles. Ces dotations seront alignées sur les projets identifiés lors des études préalables menées conjointement par la JICA et les ministères sectoriels. Dans le champ agricole, des mini-stations d’irrigation solaire pourraient, par exemple, être mises en service dans la cuvette de la Sangha, tandis que la zone économique spéciale de Pointe-Noire se verrait doter de lignes de robotique légère pour la transformation du bois.
Les retombées attendues ne se mesurent pas uniquement en croissance du PIB. Elles touchent aussi la cohésion sociale, via la création de chaînes de valeur locales, et la résilience environnementale, grâce à l’introduction de technologies sobres en carbone. À moyen terme, le gouvernement espère que ces synergies consolideront sa stratégie de diversification, encore trop dépendante des recettes pétrolières, tout en renforçant l’attractivité du pays auprès d’investisseurs asiatiques déjà présents dans la sous-région.
TICAD 9 à l’horizon: convergences stratégiques
L’échéance de la neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, prévue à Yokohama, donne à l’accord signé à Brazzaville une portée particulière. Pour Denis Christel Sassou N’Guesso, il s’agit d’un « signal fort » : le Congo se présente à la TICAD 9 non pas en simple demandeur d’aide, mais comme un partenaire disposant déjà d’un cadre opérationnel avec le Japon. Cette posture pourrait faciliter la mobilisation de fonds additionnels auprès de bailleurs multilatéraux séduits par la clarté du dispositif.
De son côté, Tokyo voit dans cet engagement un laboratoire pour sa stratégie Indo-Pacifique en Afrique centrale. L’ambassadeur Ogawa a insisté sur « la convergence entre la vision japonaise de la croissance verte et la politique congolaise d’industrialisation durable ». À l’aube de la TICAD 9, les deux pays entendent donc capitaliser sur cet alignement stratégique, convaincus que la coopération technique, loin d’être un simple instrument de solidarité, peut devenir un levier d’influence et de prospérité partagée.