Une moisson historique pour le secondaire
Au soir du 14 août, l’annonce officielle des résultats du BEPC 2025 a fait vibrer les radios et les réseaux sociaux congolais. Sur 123 515 candidats, 84 111 admis portent le taux national à 68,10 %, seuil inédit depuis une décennie, selon le ministère.
Le ministre Jean Luc Mouthou y voit un souffle d’espoir mais martèle qu’« aucun relâchement n’est permis ». À quelques heures de la fête nationale, ce message résonne comme un rappel : l’excellence scolaire reste un chantier collectif, indissociable de la souveraineté culturelle du Congo.
Des départements en pleine ascension
La Sangha caracole en tête avec 78,09 % d’admis, suivie des Plateaux et de la Cuvette. Dans les rues d’Ouesso, les klaxons ont remplacé les vuvuzelas habituelles des matches de football, témoignant d’une fierté locale rarement exprimée autour des questions scolaires.
À Brazzaville, la barre des 69 % montre que la capitale maintient sa cadence malgré l’afflux démographique. Kouilou et Bouenza consolident également leurs positions, prouvant que la qualité de l’enseignement ne se cantonne plus aux grands centres urbains.
Des piliers pédagogiques renforcés
Formation continue des enseignants, dotations en manuels révisés, réhabilitation des laboratoires : autant de leviers décrits par la Direction générale des examens comme « des catalyseurs de confiance ». Les inspecteurs évoquent des visites plus régulières et un meilleur suivi des fiches pédagogiques hebdomadaires.
Selon le professeur de sciences Éric Mokoko, « la stabilité du calendrier scolaire sur trois années consécutives a enfin permis d’achever tous les programmes ». Cette régularité, longtemps perturbée par la pandémie puis les intempéries, se traduit désormais dans les copies des collégiens.
Une stratégie présidentielle assumée
Depuis 2021, le Plan national de développement accorde plus de 15 % du budget à l’éducation. Le président Denis Sassou Nguesso l’explique fréquemment : « Former un élève, c’est sécuriser le futur de toute une nation ». Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso relaie cette vision auprès des gouverneurs.
La modernisation des infrastructures, de la singulière école pilote de Djiri aux nouveaux collèges de Madingou, s’accompagne d’une connexion Internet élargie. Les classes virtuelles, testées en 2024, sont désormais accessibles dans douze départements, ouvrant un corridor numérique entre zones rurales et urbaines.
Voix d’élèves et d’enseignants
Delphine, 15 ans, scolarisée à Nkayi, avoue avoir révisé sur son smartphone grâce à une application développée par des étudiants de l’Université Marien-Ngouabi. « Même sans électricité constante, l’option hors ligne permettait de refaire les exercices », confie-t-elle avec un sourire mêlé de soulagement.
Pour l’enseignant de lettres Georges Mbemba, le changement est aussi culturel : « Les parents communiquent désormais quotidiennement avec nous via des groupes de messagerie. La relation école-famille s’est rapprochée, et l’élève sent une responsabilité partagée ». Une approche qui, selon lui, réduit l’absentéisme.
Une dimension internationale affirmée
À Pékin, l’unique centre d’examen congolais récolte un 100 % flatteur. Le chargé d’affaires à l’ambassade note que cette performance donne du crédit à la diaspora estudiantine et suscite des convoitises d’universités asiatiques, prêtes à proposer davantage de bourses post-collège.
Le centre du Cabinda, en Angola, affiche 99,26 %. Pour l’historien Achille Ngatsé, ces chiffres « rappellent la vocation voyageuse du Congo, car la mobilité académique fut l’une des clés de son rayonnement culturel dans les années 1960 ». La tradition semble renaître.
L’éducation, moteur culturel
Musiciens, graphistes et créateurs de mode observent déjà l’arrivée prochaine d’une génération plus formée. Le producteur de rap Yvon Bounkoulou estime que « la qualité d’écriture des lyrics s’améliore dès que les collégiens maîtrisent mieux la grammaire ». Le secteur musical anticipe un contenu plus riche.
Dans les ateliers de peinture de Poto-Poto, les enseignants bénévoles constatent que les nouveaux admis savent analyser une chromatique ou contextualiser un mouvement artistique. Cette aisance critique contribue à la vitalité des arts visuels, souvent considérés comme un baromètre de la santé intellectuelle d’un pays.
Cap sur l’innovation numérique
Les start-up edtech congolaises, telles que Classiko et SavoirPlus, envisagent déjà de traduire leurs plateformes en langues nationales. Objectif : renforcer l’appropriation communautaire et préserver le patrimoine linguistique tout en soutenant l’apprentissage des sciences et des arts.
Parallèlement, l’Institut français du Congo développe une résidence mixant réalité augmentée et programmes scolaires pour stimuler la lecture. Le prototype, testé par cinquante collégiens à Pointe-Noire, a augmenté de 22 % le temps quotidien dédié aux ouvrages francophones contemporains, selon une évaluation indépendante.
En route vers 2030
Le ministère projette d’atteindre 80 % de réussite d’ici 2030 grâce à des classes de taille réduite, une meilleure orientation et la généralisation des outils numériques. Si l’objectif est ambitieux, il capitalise sur la dynamique actuelle et sur la confiance renouvelée des familles.
Pour la sociologue Mireille Mavoungou, l’enjeu dépasse la simple note : « Une réussite scolaire partagée consolide la cohésion nationale et renforce la fierté citoyenne ». Elle juge que la date choisie pour la publication, veille de l’indépendance, inscrit l’éducation au rang des symboles fédérateurs.