Passation symbolique à Brazzaville
Dans la salle lambrissée du ministère des Affaires étrangères, le 14 mai dernier, Mariavittoria Ballotta a remis ses lettres de créance à Jean Claude Gakosso. La poignée de main capture un moment charnière : l’agence des Nations unies pour l’enfance change de visage au Congo.
Sous les lustres, la diplomate italienne d’origine, forte de vingt ans d’expérience auprès de l’Unicef, a esquissé ses priorités : protection, éducation et équité, un triptyque qu’elle promet d’arrimer à la stratégie nationale de développement du Congo.
Cette passation, saluée dans la presse locale, intervient alors que le pays veut convertir la croissance post-pandémie en bénéfices tangibles pour sa jeunesse, estimée à plus de la moitié de la population, selon le dernier recensement officiel.
En sollicitant l’Unicef, le gouvernement mise sur une expertise éprouvée et sur un dialogue continu avec les organisations de terrain, sans renoncer au pilotage souverain de ses politiques sociales, comme l’a rappelé le ministre Gakosso au terme de la cérémonie.
Une diplomate rompue aux urgences sociales
Née à Bologne, formée en droit international, Mariavittoria Ballotta a parcouru le Bénin, le Niger, puis le siège new-yorkais de l’Unicef avant de coordonner depuis Dakar les programmes de seize pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Ses collègues louent son pragmatisme et son goût du terrain. « Elle sait transformer un plan en approvisionnement de vaccins ou en salle de classe », confie un ancien collaborateur sous couvert d’anonymat, en soulignant sa capacité à concilier rigueur budgétaire et innovation.
Au Congo, elle hérite d’un bureau doté de soixante-quinze employés et d’un budget annuel voisin de 28 millions de dollars, orienté vers la nutrition, l’eau potable, l’accès aux soins primaires et l’éducation de base, selon les chiffres du portefeuille 2023.
La diplomate arrive toutefois dans un contexte marqué par les conséquences climatiques sur les cours d’eau et l’agglomération de Brazzaville, où les ONG signalent un afflux de familles déplacées vers les périphéries, fragilisant la couverture scolaire et sanitaire.
Convergence avec les priorités nationales
Dans son allocution, Mariavittoria Ballotta a insisté sur la nécessité d’aligner les interventions de l’Unicef sur le Plan national de développement 2022-2026, document stratégique qui identifie la petite enfance comme vecteur incontournable de croissance inclusive et de cohésion sociale.
L’Unicef continuera de soutenir les ministères sectoriels dans l’élaboration de cadres budgétaires sensibles à l’enfance, a-t-elle précisé, évoquant la mise en place d’outils de suivi numérique pour mesurer l’impact des allocations publiques sur la scolarité des filles ou la prévention du paludisme.
Le partenariat avec la société civile demeurera central. Des plateformes d’artistes urbains aux collectifs de journalistes, Ballotta veut multiplier les campagnes culturelles de sensibilisation, persuadée que la musique, la création visuelle et le récit communautaire accélèrent l’adoption de comportements favorables à la santé infantile.
Côté entreprises, la nouvelle représentante souhaite instaurer un mécanisme d’incitation fiscale pour les PME locales investissant dans l’alimentation scolaire, initiative déjà testée à Cotonou. Elle juge que ce levier renforcerait l’ancrage du secteur privé dans la responsabilité sociétale.
Enfants congolais, horizon 2030
Selon le dernier rapport MICS, un enfant congolais sur trois souffre encore de retard de croissance. Pour Ballotta, cette statistique doit devenir un repère et non une fatalité ; la feuille de route vise à réduire ce taux à 15 % d’ici 2030.
Des progrès sont déjà palpables. La campagne « Zéro Fièvre jaune » lancée en 2022 a atteint 92 % de couverture vaccinale, record régional salué par l’OMS. L’enjeu désormais est de consolider ces acquis dans les districts enclavés du Nord-ouest.
Les observateurs notent également le potentiel de la transition numérique. Grâce au programme d’enregistrement des naissances par tablette, 48 000 actes d’état civil ont été délivrés l’an passé, ouvrant l’accès à la citoyenneté et aux services de base pour des enfants longtemps invisibles.
D’ici peu, la représentante de l’Unicef compte lancer un forum interactif réunissant décideurs, artistes, entrepreneurs et jeunes leaders afin de co-construire des solutions locales. Elle répète volontiers qu’« aucun cadre global ne remplace l’ingéniosité des communautés », mantra qui guidera, dit-elle, son mandat.
Dans l’hinterland du Pool, une expérimentation pilote teste déjà l’assemblage de centres multiservices : dispensaire, médiathèque et espace scénique pour ateliers d’expression. Concevoir la santé et la culture comme un continuum, voilà l’une des signatures que Ballotta souhaite inscrire dans les politiques publiques.
Les artistes slam de Pointe-Noire se disent prêts à amplifier le message. « Nous pouvons transformer les vers en vaccins symboliques contre l’ignorance », souligne le poète Mikandy lors d’un micro-trottoir, rappelant le rôle d’une culture vivante dans la mobilisation communautaire.
En attendant, la collaboration entre Brazzaville et l’Unicef poursuit son trajet, rythmée par des revues semestrielles de performance. Observateurs et partenaires espèrent que ce nouveau cycle marquera un tournant durable pour la Génération 2030, et ouvrira un boulevard d’opportunités créatives dans le paysage social congolais et au-delà de ses frontières.