Un engouement national pour la formation technique
À l’aube du mois d’août, les enceintes scolaires de Brazzaville, Pointe-Noire et des capitales départementales résonnent d’une rumeur singulière : celle de 7738 candidats, déterminés à conquérir une place dans les instituts d’enseignement technique les plus sélectifs du pays. Le chiffre, confirmé par le directeur de cabinet du ministère de l’Enseignement technique et professionnel, Mamadou Kanté, marque un record de participation qui dépasse les prévisions initiales des services centraux.
L’engouement ne se limite pas aux grandes agglomérations. Des lycéens venus de la Likouala, du Niari ou du Kouilou ont affronté de longues heures de route pour rallier les centres d’examen. « La distance n’est rien face à l’avenir », résume Mireille, 19 ans, la voix soigneusement posée après le premier sujet de français. Son enthousiasme traduit une dynamique nationale que les autorités estiment décisive pour accompagner la diversification économique prévue dans le Plan national de développement 2022-2026.
Un dispositif d’épreuves au service de l’excellence
Pendant quarante-huit heures, les candidats planchent sur un corpus sélectif : français, mathématiques, sciences physiques, culture générale, histoire-géographie, sans oublier le dessin d’imagination et d’observation pour les filières liées au design industriel. « L’idée est de mesurer à la fois la rigueur scientifique et la créativité », explique le président des jurys, Rufin Mviri, rappelant que les nouveaux programmes s’alignent sur les standards de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
La typologie des candidats illustre l’ouverture du concours : détenteurs du Brevet d’études du premier cycle, du baccalauréat général ou du Brevet d’études techniques se côtoient dans les amphithéâtres. Cette hétérogénéité suppose une acoustique pédagogique fine, gérée par plus de 900 surveillants mobilisés sur l’ensemble du territoire, gage d’équité et de sérénité.
Gouvernance et équité : la transparence du processus
Interrogé sur la logistique de cette session, le directeur des examens et concours, Roch Placide Bokangué, insiste sur la feuille de route : « Nous avons numérisé la chaîne de correction et renforcé l’anonymat des copies afin de garantir une neutralité absolue. » La mesure, adoptée dès 2021, s’adosse à un logiciel développé par une start-up congolaise, signe que la gouvernance éducative épouse peu à peu les outils de la quatrième révolution industrielle.
La date initiale du concours d’entrée dans les instituts de Kintélé, d’Oyo et de l’École congolaise d’optique avait été repoussée de quelques semaines afin d’intégrer les nouveaux bacheliers. Ce report, loin d’être une contrainte, traduit la volonté de l’administration de « ne laisser personne au bord du chemin », selon la formule de M. Bokangué. En coulisses, une réunion technique réunissant le ministère, les directions des établissements et les partenaires sociaux devrait entériner un calendrier harmonisé pour la rentrée 2023-2024.
Des instituts de pointe au cœur d’une stratégie industrielle
L’Institut polytechnique de Kintélé, joyau architectural adossé au futur parc technologique de la capitale, incarne l’ambition gouvernementale : former des ingénieurs capables d’accompagner la montée en puissance des secteurs du BTP, de la transition énergétique et du numérique. Son pendant d’Oyo, spécialisé dans les sciences appliquées à l’agrobusiness, joue la carte de la souveraineté alimentaire, priorité rappelée par le chef de l’État lors de la Journée de l’agriculture.
Selon les chiffres consolidés par le ministère de l’Économie, le taux d’insertion professionnelle des diplômés de ces instituts atteint 72 % dans les dix-huit mois suivant la sortie. Un indicateur qui, de l’avis des analystes du cabinet Idées & Prospective, conforte la pertinence des investissements publics réalisés depuis 2016 dans les infrastructures éducatives.
Les enjeux socio-économiques pour la jeunesse congolaise
Au-delà des statistiques, le concours devient un marqueur d’ascension sociale. Dans les files d’attente, nombreux sont ceux qui voient dans la filière technique un passeport pour l’emploi local et, à terme, pour la sous-région. Le Fonds national d’appui à l’employabilité des jeunes prévoit d’ailleurs de doubler, dès janvier prochain, les bourses accordées aux étudiants des disciplines à forte valeur ajoutée.
Pour Jules, 22 ans, titulaire d’un bac scientifique et candidat à la section mécatronique, l’enjeu dépasse la réussite individuelle : « Nous avons la responsabilité de transformer les matières premières du pays. Si nous n’apprenons pas à le faire, qui le fera à notre place ? » Son propos répond à l’objectif stratégique énoncé par le gouvernement : construire une économie diversifiée, verte et inclusive, adossée à un capital humain hautement qualifié.